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Je nagerai jusqu'aux premiers rapides

Publié le par Yv

Je nagerai jusqu'aux premiers rapides, Jean-Laurent Poli, LC Éditions, 2013

Un homme assiste impuissant à la déchéance de ses parents : sa mère sur-irradiée au cobalt pour guérir un cancer du sein 30 ou 40 ans auparavant, traitement qui, s'il a détruit les cellules cancéreuse  a aussi détruit la femme qu'elle était  et qui ensuite n'a plus jamais été qu'une malade et son père, victime d'un accident vasculaire cérébral, ayant perdu toute autonomie. Pour tenter de les comprendre, cet homme s'inscrit au programme Seniorita censé lui faire ressentir les douleurs et fatigues physiques du vieillissement.

JL Poli est un écrivain qui a déjà commis l'excellent Peut-on aimer une morte ?, c'est donc avec beaucoup d'impatience que je me plonge dans son dernier livre, sans rien en savoir si ce n'est le titre. Totalement surpris par le thème, j'ai été un peu déstabilisé pendant les premières pages, ne comprenant pas pourquoi le narrateur enfilait une combinaison le limitant dans ses mouvements. Une fois tout cela expliqué, on entre dans un livre sombre, douloureux, pas facile. C'est une lecture assez exigeante et de grande qualité, qui bouscule, mais la littérature ce n'est pas reposant, ça doit faire réagir. JL Poli s'attaque à un thème souvent tu. Rares sont ceux d'entre nous qui parlons de la déchéance des personnes âgées qui nous entourent. Le narrateur, fils unique, se retrouve loin (à Paris alors que ses parents vivent à Lyon) et seul à s'occuper d'eux. Il engage des associations, va voir les médecins, tous les intervenants auprès de ses parents, s'investit réellement dans la prise en charge : "Les désagréments que connaissent ceux qui accompagnent des mourants sont plus pénibles quand il s'agit de ses propres parents, mais tous les connaissent. [...] Je n'aurais jamais pensé, jeune homme,  que cette voie m'obligerait à jouer les garde-malades. C'est le lot commun, mais comme les personnes qui doivent subir une opération on croit son cas unique.[...] Après, la culpabilité travaille. Comme une pieuvre découverte par le plongeur dans l'anfractuosité du rocher, elle s'agrippe de toutes ses tentacules." (p.57/58)

Un livre qui ne se contente pas d'aligner les difficultés à prendre en charge des personnes aussi lourdement atteintes, mais qui alterne des pages du journal malhabile du jeune homme que fut ce fils, Journal d'un fils unique, les rapports d'expérience concernant le projet seniorita, les difficultés à se sentir vieillir. Il ajoute aussi quelques beaux souvenirs d'enfance, d'autres moins gais lorsqu'il allait voir ses parents avec sa jeune compagne et que sa mère acariâtre voulait imposer ses principes au mépris des goûts des autres. A petites touches, il parle aussi de la douleur de cette femme, intellectuelle, ancienne professeure, qui s'est vue décliner tant physiquement qu'intellectuellement.

C'est un livre qui parle à chacun d'entre nous, car chacun a été confronté à la maladie d'un proche, à une relation qui n'est plus celle espérée, et chacun espère surtout ne pas faire subir cela à ses propres enfants.

Madame Yv qui travaille en maison de retraite auprès de personnes en fin de vie s'est trouvée fort intéressée, mais ne l'a pas encore lu. Néanmoins, plus fine que moi, elle a parcouru la quatrième de couverture, une simple citation, qu'elle pourrait bien, en vous citant cher Jean-Laurent, replacer dans un rapport ou un travail écrit parce que cette citation -qui va suivre- est à la fois poétique, imagée et claire :

"Le temps de l'agonie est un fleuve qui prend sa source en terre inconnue et croise de multiples affluents. Ce fleuve, j'ai commencé à en remonter le courant, de ses eaux paisibles jusqu'aux premiers rapides."

Ne vous laissez pas impressionner par le thème de ce livre, vous voyez juste au-dessus que l'auteur a une très belle plume qui n'attend plus que vos yeux pour la découvrir.

Merci Christophe, continuez à publier de beaux textes dans de beaux écrins.

Peu de billets encore en ligne, La ruelle bleue en a publié un.

Commenter cet article
G
Non merci, l'avc je l'ai connu a 36 ans, et la fatigue de petite vieille, c'est presque tous les jours pour moi. Donc de la distraction un minimum !
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Y
<br /> <br /> Courgette est plus indiqué alors...<br /> <br /> <br /> <br />
C
Je le note car ce sont des sujets qui quand ils sont bien traités ( ce qui semble le cas) ouvrent les yeux ou apportent une vraie réflexion. Merci pour ce titre !
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Y
<br /> <br /> C'est le cas selon moi, et en plus la construction du bouquin est originale<br /> <br /> <br /> <br />
A
Pourras-tu publier l'avis de Madame Yv ?
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Y
<br /> <br /> Lorsqu'elle l'aura lu si elle le lit...<br /> <br /> <br /> <br />
Z
J'irai regarder du côté de l'éditeur, grâce à ton lien
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Y
<br /> <br /> Il y a des petits bouquins très bien dont j'ai déjà parlé<br /> <br /> <br /> <br />
Z
J'oserai peut-être franchir le pas plus tard. Trop prise par une autre opération livresque.<br /> Ton commentaire donne envie de lire ce livre
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Y
<br /> <br /> L'écrivain est vraiment à découvrir ainsi que l'éditeur...<br /> <br /> <br /> <br />