Le griot de l'émir
Le griot de l'émir, Beyrouk, Éd. Elyzad, 2013
Un griot du désert chante les louanges d'une tribu légendaire qui dirigeait son pays jadis et qui est désormais dispersée voire persécutée par l'émir actuel. Il se met au service de la belle Khadidja, mais lorsque celle-ci est poussée à la mort par un affront de l'émir, il s'exile à Tombouctou, une ville dans laquelle il fréquente les gens de savoir. Il y découvre l'amitié, l'amour. Mais le destin, en la personne de Mehmed son ami vient frapper à sa porte et le griot qui s'ennuie de son désert ne peut résister à son appel.
Très beau texte qui fait appel à nos souvenirs de récits ou contes orientaux mais aussi à des histoires plus occidentales. Dès les premiers mots, on est au cœur du rythme du livre, des paysages décrits par Beyrouk. Au cœur de son histoire. C'est un texte lent, poétique, qui sait prendre le temps de nous décrire les lieux et les personnages. Le griot notamment, narrateur, qui n'est pas toujours très humble, parce que très conscient de sa valeur, de la portée de ses chants et de l'Histoire qu'il doit transmettre, celle de sa tribu : "Je suis un griot des Oulad Mabrouk. Ma tribu avait tout détruit et tout reconstruit, elle avait tout vaincu et tout embrassé, et elle était tombée sous le poids de son passé trop grand, trop lourd à porter. [...] Nous avions tout vaincu. Nous avions le Sahara tout entier à nos pieds et les verts pâturages, nous avions les plus beaux chevaux du monde et les chameaux les plus gras." (p.9/10)
C'est un texte qui est à la fois daté d'un temps ou le verbe des griots pouvait changer le cours de l'Histoire, un charme désuet d'une belle langue, châtiée, travaillée et en même temps actuel, qui peut rappeler les printemps arabes, les soulèvements des peuples brimés. Un texte intemporel, comme le sont certains classiques parce qu'il éveillent en nous des images et peuvent se référer à la fois à des événements lointains et à d'autres plus récents. Un récit qui m'a souvent rappelé le très bon livre de Anne -Catherine Blanc, L'astronome aveugle, par tout ce que j'ai écrit plus haut.
Pas de longueurs dans ce texte lent, au contraire des passages formidables comme ceux dans lesquels le griot du désert parle de sa découverte de la ville : "Je fus bouleversé quand je vis que les gens se rencontraient mais ne se saluaient pas toujours, et que, quand ils se serraient la main, ils ne le faisaient qu'un court instant, que les conversations n'étaient pas toujours longues. Et je me promenai encore et encore dans la ville, et j'admirai encore les fières et nombreuses mosquées, mais je m'étonnais tout de même de l'ardeur qu'on avait mise à les construire. Dans nos tribus, la foi n'a jamais eu besoin de gros monuments pour s'abriter, elle s'exprime allègrement dans les solitudes des larges espaces, et sous le regard bienveillant du Ciel et du Créateur." (p.75/76). Je n'ai pas pu m'empêcher de placer cet extrait, mon côté athée très développé qui me contraint à placer des "piques" dès que je le peux ; mais, je décline un partie de ma responsabilité, ce n'est pas moi qui l'ai écrit !
Un excellent bouquin des excellents éditions Elyzad basées à Tunis ; si vous ne les connaissez pas encore, ce n'est pas bien, j'en parle très souvent, vous n'êtes dons pas assidus à mes articles, et là, c'est vraiment moche ! Beau livre, belle couverture, belle qualité du papier ; enfin que du beau !
Un très bel article, complet et détaillé sur RMI, signé d'un professeur de littérature à Nouakchott, Idoumou O. Med Lemine.