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J'ai mille ans...

Publié le par Yv

J'ai mille ans..., Jean-Marie Quéméner, Récamier, 2023

"Amal est née au milieu de nulle part, dans un village d'orpailleurs et de contrebandiers au nord du Soudan, à deux pas de rien, dans la Maison rose, tout à la fois bordel et prison, habitée par des femmes magnifiques. Dont sa mère, splendide candace, majestueuse et protectrice.

L'exil comme seule issue, mère et fille quittent leur village, et se lancent dans un voyage peuplé de rencontres, d'amis, de dangers et de prédateurs. De rires et de pleurs. La Méditerranée puis l'Europe en ligne de mire. Le désert, ses nomades et ses guerriers, en mirage." (4ème de couverture)

C'est Amal qui raconte cette histoire, ce terrible voyage : "Je viens de naître. J'ai mille ans.[...] Je n'ouvre pas encore les yeux, mais je ferme déjà mon cœur. La poudre aurifère cristallise les sentiments. L'âge d'or est de fer et de pierre. Rien de très nouveau, seulement la très ancienne alchimie humaine : une pincée de misère, une pleine poignée d'hommes et le goutte-à-goutte de la solitude transforment les lingots jaunes en plomb et l'homme en animal. Je sais. J'ai mille ans." (p.9/11)

La première chose qui me frappe dans ce roman c'est la langue dont use JM Quéméner : très belle, poétique, descriptive, qui sait s'attarder sur ce qu'il y a de beau dans les paysages, les personnes pour contrebalancer le sordide, l'inhumain, le violent. Certaines phrases résonnent comme des adages, des aphorismes : "J'ai mille ans et j'ai vu des milliers d'amulettes, il y a celles qui vous protègent et celles qui avivent le souvenir. Les deuxièmes sont bien plus efficaces que les premières. Et bien plus dangereuses pour ceux qui s'en servent, puisqu'elles vous font courir à reculons vers le passé." (p.137)

Et dans toute cette beauté, il y a Amal et sa mère et quelques belles rencontres. Amal avec ses mille ans sait les risques et comprend que des hommes et des femmes les prennent, qui aspirent à une vie meilleure, à la liberté, à fuir les violences, la torture, les humiliations, la guerre et qui espèrent beaucoup de l'Europe et qui ne savent pas vraiment que nous ne les accueillerons pas décemment. JM Quéméner décrit le parcours de tous ceux qui quittent leur pays pour continuer à vivre, pour se mettre à l'abri. L'exil est une décision difficile à prendre et personne ne le choisit à la légère.

C'est un roman puissant et fort, qui par tant de beauté et d'humanité fait monter les larmes et la honte d'être dans un pays qui malgré son histoire, ne sait ni ne veut accueillir ceux qui fuient l'horreur. Amal et sa mère sublimées par la superbe écriture de l'auteur, sont tellement belles, fortes et dignes que l'on resterait bien plus longtemps avec elles. J'ai été totalement emporté, subjugué par ce roman, qui tord le cou aux théories fumeuses des imbéciles qui osent prétendre que ceux qui quittent leur pays le font par confort. Nul n'est capable de supporter tout ce que décrit JM Quéméner par envie de confort, c'est déjà insupportable pour la survie. Les réfugiés qui bravent autant de dangers devraient avoir toute notre admiration, notre empathie et notre aide plutôt que le mépris et l'indifférence.

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A
Un roman qui met l'immigration en juste perspective.
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Y
Et qui permet pour ceux qui en douteraient encore de bien comprendre que personne ne quitte son pays en guerre par plaisir