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Anonyme

Publié le par Yv

Anonyme, Luc Fivet, Le ver à soie, 2018....,

Lorsque ce soir-là, le héros, comptable au salaire peu élevé, rentre chez lui, il trouve devant la porte, un homme vêtu comme un clochard qui lui demande un euro pour passer le seuil. Fatigué, il accepte. Puis l'homme rentre chez lui suivi par le clochard qui lui demande de nouveau un euro à chaque fois qu'il veut changer de pièce dans la maison dont il a hérité de son père. Il finit par céder et s'installe alors une étrange transaction dans laquelle le propriétaire de la maison ne peut plus ni y entrer ni y évoluer comme il le souhaite, sauf à payer un inconnu dont il ne parvient pas à se défaire.

Étrange, c'est le mot. Ou aurais-je pu écrire : déconcertant, inattendu, insolite, abracadabrantesque, étonnant, saugrenu, extravagant, inhabituel, curieux. Sans doute, j'aurais pu ajouter : ubuesque, surréaliste. Parti d'une situation certes pas courante mais assez simple, le romancier construit un roman très original dans lequel la tension monte, le lecteur se demandant bien comment cet homme s'en sortira -ou pas. J'avais noté quelques passages à citer, mais je crains que les dévoiler ici n'en dise trop sur ce roman qu'il faut absolument découvrir. Luc Fivet parle de la société de consommation, de l'aliénation des foules par la consommation à outrance en leur faisant croire que posséder est l'ultime besoin du bonheur : acheter le dernier écran plat, la belle auto, le téléphone et l'ordinateur portables derniers cris... Ainsi les plus pauvres s'appauvrissent et les plus riches s'enrichissent. "On nous fait croire que le bonheur c'est d'avoir de l'avoir plein nos placards" disait Alain Souchon, tandis que quelques années auparavant Louis Chédid chantait Le cha cha de l'insécurité, car Luc Fivet centre aussi son roman sur la peur de l'autre, la peur de se faire cambrioler tous ces biens matériels achetés pour être heureux.

Dernièrement, j'ai encore envoyé paître un énième démarcheur pour une société de protection/surveillance des maisons qui ne comprenait pas que je ne veuille pas adhérer à son formidable contrat. "Rien de ce qui est dans ma maison n'a de valeur" lui dis-je. Il a fini par me dire : "Vous ne voulez pas parce que vous ne connaissez personne qui s'est fait cambrioler ? Mais lorsque vos voisins le seront, vous changerez d'avis." Si l'on n'a pas envie de consommer à outrance, de dire oui à tous les gogos qui se présentent, à sur-sécuriser sa maison, on est vu comme le dernier des crétins qui ne vit pas dans la réalité. Tant mieux, crétin je resterai ; de toutes façons, je reste persuadé que si je me fais cambrioler, les visiteurs n'emporteront pas ma bibliothèque. Alors, le principal est déjà sauvé.

Pour revenir à notre sujet du jour, l'excellent roman de Luc Fivet, je le conseille à tous ceux qui veulent sortir des lectures habituelles, à ceux qui veulent se poser des questions sur la société actuelle, sur la manière dont on y traite les gens. La chute peut survenir à n'importe quel moment, rapidement, et si personne n'est là dans l'entourage elle peut être rude. Joliment fait, joliment écrit, pas totalement noir, des lueurs d'espoir émaillent le texte. Vraiment une très belle découverte et un beau travail de l'auteur et de l'éditeur.

Commenter cet article
A
Tu as un bon dictionnaire des synonymes ;-)
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Y
même pas, sur ce coup-ci...
K
Tu es extrêmement convaincant. Et j'ai le même raisonnement que toi, seuls mes livres pourraient avoir de la valeur chez moi... je dis bien pourraient parce là encore, ce sont des biens matériels qu'on peut retrouver facilement... La richesse, c'est de les avoir lus !
Répondre
Y
Exact, néanmoins, pour certains ça m’embêterait quand même un peu...