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Naissance d'un pont

Publié le par Yv

Naissance d'un pont, Maylis de Kerangal, Gallimard, 2010 (Folio, 2011)

"Ce livre part d'une ambition à la fois simple et folle : raconter la construction d'un pont suspendu quelque part dans une Californie imaginaire à partir des destins croisés d'une dizaine d'hommes et de femmes. Un roman-fleuve qui brasse des sensations et des rêves, des paysages et des machines, des plans de carrière et des classes sociales, des corps de métiers et des corps tout court." (4ème de couverture)

Maylis de Kerangal part d'un idée originale pour son roman. De mémoire de lecteur, qui ne vaut pas sondage je suis passé à côté de tellement de livres, je n'ai pas souvenir d'un tel thème. Mais je me trompe sûrement et j'attends donc vos rectifications. De toutes manières, même si de tels romans existent, il faut bien reconnaître que ce n'est pas le thème majeur de la littérature. Car de littérature, il en est question, au moins pour ma propre -et variable- définition de ce vocable : chacun ayant sa signification de la littérature, ses critères personnels. Roman à l'écriture admirable, aux phrases travaillées, longues, qui englobent parfois plusieurs idées à la fois, au vocabulaire tantôt recherché, châtié voire rare et tantôt familier voire grossier, et il faut bien le dire à certains passages dans lesquels il est parfois difficile de maintenir l'attention. Mais comment résister à cela par exemple :

"Sanche Cameron, lui, s'écartera pour la regarder mieux tandis qu'elle se présentera aux autres, la détaillera sans parvenir à se faire une idée, la trouvera étrange, de la gueule mais lourde, une démarche de gorille, des mains courtes et des épaules carrées, des hanches larges, une belle peau mate, l'épaisse chevelure blonde, mais un menton en bénitier, un nez de chien, voilà, elle aura pleinement conscience d'être la bête curieuse, elle voudra faire impression et ne sourira pas, une fille au béton n'est pas monnaie courante." (p.49/50)

Maylis de Kerangal raconte tout : la préparation de la construction, le choix des hommes et des femmes, et certains d'entre eux un peu plus en détails ; elle s'attarde sur quelques uns pour nous raconter leurs vies, leurs parcours et parfois comme plus haut et comme ci-dessous leurs particularités physiques : "John Johnson, dit le Boa, est un homme de taille moyenne, corps imberbe, torse d'haltérophile et carnation chinoise, nuque forte, sourcils drus sur petits yeux fendus, pas de lèvres, dents pointues, langue grise." (p.53)

C'est une lecture qui demande un peu d'attention pour bien se diriger dans le chantier, qui se mérite mais qui récompense son lecteur. Certes, ce roman souffre de certaines longueurs, de certains passages moins captivants, mais sa construction est toujours épatante, dans une langue qui me ravit. Si je puis me permettre cette image totalement pourrie, je pourrais dire que le roman de Maylis de Kerangal est à l'image des ouvrages d'art, solide, bien construit et qui permet de découvrir de nouveaux horizons.

dialogues croisés

 

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