Baby boom , Jean Vautrin, Rivages/Noir, 2012 (Ed. Mazarine, 1985)
"Existe-t-il une quête plus humaine, et en même temps plus difficile, que celle du bonheur ? Les personnages de Jean Vautrin se mesurent à cet épineux problème à travers treize textes noirs à l'écriture électrique et cinématographique.
Jean Vautrin est, avec Jean-Patrick Manchette, l'un des pères du néo-polar.
Baby boom a reçu le Prix Goncourt de la nouvelle." (4ème de couverture)
Recueil de nouvelles noires, très noires. En fait, une réédition d'un livre paru en 1985. Jean Vautrin fait preuve de toute l'étendue de son talent en écrivant des histoires de manières totalement différentes. Certaines sont écrites dans un langage très imagé, argotique, familier voire grossier. D'autres sont plus classiques, dans une belle langue, souvent faite de phrases courtes pour maintenir un certain rythme. Certaines nouvelles sont assez elliptiques, il faut savoir lire un peu entre les lignes, elles n'ont pas de chutes véritables ; d'autres sont plus prosaïques, construites comme de petits romans. Toutes ont en commun un univers noir : des sentiments, de l'amour, de la haine, de la désespérance, du sexe et la mort. Si vous aimez la diversité dans vos lectures, n'allez pas chercher plus loin, dans ce recueil, vous pourrez trouver votre bonheur. Pour vous allécher, les premières phrases des nouvelles que j'ai le plus appréciées :
- L'espoir des Pouilles : "Dimanche dernier, les lumières de la salle omnisports de Clermont-Ferrand se sont éteintes si brusquement que je n'ai pratiquement rien senti. Consciencieux comme je suis, dès qu'au travers de mon œil gauche, j'ai aperçu des ombres penchées sur moi, je me suis mis en garde." (p.99)
- Douze petits baigneurs et qui savaient parler : "Voilà ce que j'ai vu. Mais personne n'est obligé de le croire. Il était attablé face à la porte et il essuyait. Il essuyait l'assiette que la serveuse venait de poser devant lui. Il essuyait les miettes de la table. Il essuyait ses couverts. Il essuyait le menu. Et il essuyait le revers de sa veste. Il essuyait même son crâne." (p.107)
- Signé Bondoufle : "Ces temps derniers, Tante Girafe avait perdu un peu la boule. C'était souvent une déviance passagère -des absences concentrées, pendant lesquelles ses yeux de porcelaine se perdaient dans le vague du jardin, ou bien au contraire, des bouffées d'enthousiasme inopinées qui lui coloraient temporairement les joues d'un peu de confiture de rose." (p.115)
- Un silence d'espadrille : "Lucette, garder ses bas, elle n'en avait rien à foutre. Simplement le Sarde du mardi dix-neuf heures aurait pu s'excuser des les avoir filés. Et puis, embrasser sur la bouche, elle n'aimait pas cela. (p.192)
Bon, voilà, j'en ai cité quatre, mais j'aurais pu en indiquer d'autres comme Le voyage immobile (de Kléber Bourguignault) : une histoire d'amour intense sur quarante années ou encore Le Pogo aux yeux rouges qui est aussi une histoire d'amour (et de vengeance). Très noires, ces histoires sont très différentes même si elles traitent des mêmes sujets. Jean Vautrin est aussi archi connu pour ses romans notamment Le cri du peuple (adapté en BD par J. Tardi et qui est de très très loin MA bande dessinée préférée ), Un grand pas vers le Bon Dieu (Prix Goncourt 1990) et son excellente série avec Dan Franck intitulée Les aventures de Boro, reporter-photographe.