Le livre des brèves amours éternelles
Le livre des brèves amours éternelles, Andreï Makine, Seuil, 2011
Le narrateur, un jeune russe raconte huit histoires qui lui sont arrivées. A chaque fois, il vit dans cette Russie communiste d'avant la chute du mur de Berlin. A chaque fois, un regard de femme, la rencontre d'une femme lui fait ouvrir les yeux sur sa vie, son pays, sa liberté.
Commençons par le début : quel titre ! Qui illustre à merveille, d'une part le contenu du livre et d'autre part, l'excellence de l'écriture de Andreï Makine.
Andreï Makine est un écrivain que j'aime beaucoup. Il manie la langue française comme peu d'écrivains savent le faire : "Sur plusieurs kilomètres, la splendeur qui nous entoure n'a pas varié. Le bouillonnement des branches fleuries, la crème fouettée des pétales, une vague blanche débordant sur une allée de pommiers où nous marchons, ivres de leur arôme qui a fini par remplacer l'air. Comme si, nous retrouvant sur une planète inconnue, nous nous étions accoutumés à respirer une atmosphère composée de fragrances surnaturelles au lieu de l'habituelle combinaison des gaz terrestres." (p.153) Ses phrases sont assez classiques, le vocabulaire riche, tout est là pour qualifier Makine de grand auteur.
Il aborde des thèmes universels : le bien, le mal, l'amour, les petits moments de bonheur : "Notre erreur fatale est de chercher des paradis pérennes. Des plaisirs qui ne s'usent pas, des attachements persistants, des caresses à la vitalité des lianes : l'arbre meurt mais leurs entrelacs continuent à verdoyer. Cette obsession de la durée nous fait manquer tant de paradis fugaces, les seuls que nous puissions approcher au cours de notre fulgurant trajet de mortels. Leurs éblouissements surgissent dans des lieux souvent si humbles et éphémères que nous refusons de nous y attarder. Nous préférons bâtir nos rêves avec les blocs granitiques des décennies. Nous nous croyons destinés à une longévité de statues." (p.81) Ensuite, Andreï Makine déroule son histoire sur la joie toute simple que le jeune narrateur avait à aller retrouver une amie dans des lieux pauvres, isolés.
Situé en Russie soviétique, son livre donne une dimension historique : comment faire pour vivre ou survivre dans cette société ? Comment se forger sa propre opinion, lorsque la doctrine est omniprésente, dès le plus jeune âge ?
Malgré tout ces compliments, très à propos, je trouve qu'il manque quelque-chose dans ce livre. Quoi ? Je n'en sais trop rien ! Je n'ai pas été emporté, comme je l'avais été avec La femme qui attendait et La musique d'une vie (que vous devez lire absolument). Un peu plus de lien entre les histoires, du souffle -slave-, de l'émotion auraient pu faire de ce livre un grand Makine. Là, je reste un peu sur ma faim. Néanmoins, si vous voulez lire de la belle écriture, un style parfait, n'hésitez pas, lisez Makine !
Livre lu dans le cadre du Prix du livre L'Express, pour lequel, j'ai été sélectionné en tant que juré. Dès que j'ai plus d'informations, je vous les donne. Promis !