C'est beau une ville la nuit (blues)
C'est beau une ville la nuit, Richard Bohringer, Ed. Flammarion, 2012 (Ed. Denoël, 1988)
"C'est beau une ville la nuit n'est pas à proprement parler un roman autobiographique, mais bien plutôt l'écriture d'une errance et d'une quête. [...] Ce livre est un fragment d'itinéraire de l'homme Bohringer avant même que les écrans renvoient cette image d'une "gueule" de cinéma et que celle-ci s'impose par la forte présence d'un comédien dont les valeurs personnelles ne se réduisent pas à sa profession et au narcissisme qu'elle entretient." (note de l'éditeur)
Flammarion ré-édite ce premier livre de Richard Bohringer, et c'est donc une belle occasion pour moi de reprendre mon vieil exemplaire (de 1988) et de le relire. Un petit changement dans le titre, dans la version originale, le mot "Blues" était en sous-titre : il ne l'est plus. Autrement, rien ne change, mais qu'est-ce-que c'est bien de lire du Bohringer ! Certes, j'en ai relu depuis (d'ailleurs, je crois que j'ai lu quasiment tout de cet auteur). Je me souviens l'avoir découvert avec C'est beau une ville la nuit et avoir adoré ce bouquin, pour l'écriture, pour l'auteur qui se met à nu ne passant rien de ses faiblesses, pour tout en fait. Mais comme à l'époque, je n'avais pas de blog, et pour cause, Internet n'existait pas ("Je vous parle d'un temps que les moins de vingts ans ne peuvent pas connaître..." (C. Aznavour), ou du moins pas sous la forme actuelle, eh bien, j'en parle aujourd'hui !
A la relecture, presque 25 ans plus tard, j'adore aussi. D'ailleurs, je me souvenais encore des premières phrases, pas au mot près mais pas loin : "Je m'étais endormi. La cloche de cette putain d'église m'a réveillé. Les chiens dorment sur les fauteuils, la tête dans leurs couilles. Au chaud." (p.7) C'est tout cela que j'aime chez R. Bohringer : l'écriture est directe, sèche, poétique (bon là, d'accord, ce n'est pas le meilleur exemple de poésie), certains textes de chansons sont en fin de chapitres. L'auteur crie son désespoir, son malheur, la boisson, la drogue, mais avant cela, l'abandon des parents, le sentiment de ne jamais être vraiment à sa place, l'amour qu'il cherche, trouve parfois, laisse partir aussi et retrouve, l'amitié forte et deux personnes importantes de sa vie : sa grand-mère et sa fille. Tout cela dans un style cahoté, haché que le lecteur prend en pleine face. On peut détester et/ou ne rien comprendre, c'est tout à fait exact, mais quand on a accroché on reste jusqu'à la fin et on ne peut sortir de ce livre.
J'ai relu depuis d'autres livres de R. Bohringer, et chaque fois, il refait le même coup, et chaque fois, je me fais avoir de bonne grâce et avec un plaisir que je ne renie pas du tout, au contraire, je le revendique. L'auteur n'a pas changé, identique dans ses combats, dans ses colères, dans ses amitiés, dans ses valeurs, peut-être plus revendicatif maintenant qu'il y a 25 ans (lire Les nouveaux contes de la cité perdue).
Faites-vous ou refaites-vous un Bohringer, n'importe lequel, ils sont tous excellents. Une belle idée de ré-éditer C'est beau une ville la nuit, pour que certains p'tits jeunes, pas nés ou pas encore en âge de lire en 1988, ou d'autres qui auraient pu le rater puissent entrer dans le monde de cet écrivain avec son premier livre.