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Le contrat

Publié le par Yv

Le contrat, Ella Balaert, Des femmes-Antoinette Fouque, 2022

Pierre Camus, célèbre écrivain, se tue en voiture en allant porter son dernier manuscrit à son ami Christophe Lambert, éditeur. C'est ce dernier qui est le légataire universel. Avec ce titre, il décide de créer sa propre maison d'édition qui n'éditera que des textes posthumes ou des ultimes textes d'auteurs.

Jeanne, professeure, vit seule avec son fils adolescent. Elle a publié des romans quelques années auparavant, mais depuis, elle ne parvient plus à écrire.

Puis, en parenthèses, il y a Gwenaëlle, qui visite régulièrement sa grande-mère Mado, presque nonagénaire qui ne quitte plus son appartement. Et Nadège comédienne, et Achard réalisateur.

Le plus dur pour moi, ça va être de tenter de n'être point trop décevant dans ma chronique par rapport à ce superbe roman d'Ella Balaert. Qui commence fort : "C'est pourtant la meilleure des choses qui soit arrivée à Jeanne, de se faire abandonner par Thierry. Combien de temps aurait-elle mis à partir d'elle-même ? A ne plus subir les humiliations de son mari ? Il y a des douleurs auxquelles on s'attache, des souffrances dont on aime à gratter la croûte ; il y a des mortifications dont on tire un orgueil démesuré, des rabaissements qui procurent un sentiment de supériorité si intense qu'ils nous consolent d'être traités comme des chiens." (p.17)

Puis qui continue sur le même rythme avec des personnages forts et profondément décrits : la douce et effacée Jeanne, presqu'invisible. Le dandy flamboyant Christophe, cynique. Sans oublier Mado, la presque nonagénaire, sa petite fille et Nadège, et Achard respectivement actrice et réalisateur. Ils interrogent sur la création, sur l'art, la littérature, l'amour, le désir. Mais aussi sur la mort, sur ce qu'on laissera une fois trépassé. Sur les conséquences des sévices subis dans l'enfance : l'agression sexuelle, le viol, l'abandon par les parents, la violence des hommes... Un roman féministe ? Peut-être, mais ce serait réducteur, c'est un roman qui parle des femmes agressées, et qui contraintes ou volontairement relèvent la tête et se battent chaque jour. Ce roman creuse en profondeur ses personnages, de sorte qu'ils vivent avec nous toute la durée de la lecture et même après.

J'aime beaucoup sa construction qui alterne les narrateurs et ouvre des parenthèses avec d'autres. Ella Balaert construit un roman-puzzle dont il est difficile de sortir avant d'avoir posé la dernière pièce. C'est fin et délicat. Tout est dit, rien n'est superflu.

Et pour finir, je suis sous le charme de l'écriture de l'autrice, entre réalisme et poésie. De belles phrases qui vont au cœur des personnages, qui décrivent admirablement lieux et décors. Un style impeccable et élégant dans lequel, parfois, viennent se caler quelques mots rares et beaux. Et comme des clins d’œil, des liens vers les précédents ouvrages d'Ella Balaert, notamment Jeanne, la fille de la Mont-Joli l'un des personnages de Canaille blues, que je vais relire bientôt.

Les personnages, le style, la construction, tout concourt à faire de ce roman l'un des plus beaux que j'ai lu récemment, et si vous ne devez lire qu'un livre de cette rentrée littéraire de janvier, c'est celui-ci !

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L
Je suis toujours attirée par des livres dont l’écriture est originale et très belle à la fois.
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Y
Alors fonce lire Ella balaert