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Haine

Publié le par Yv

Haine, José Manuel Fajardo, Métailié, 2021 (traduit par Claude Bleton)

Fin XIX°, Mr Jack Wildwood est fabricant et vendeur de cannes dans le quartier de Soho à Londres, un quartier misérable, alternant les rues sordides et les coupe-gorges, les pubs de bas étage et les boutiques glauques. Seul le magasin de Mr Wildwood garde une certaine tenue, mais son propriétaire exècre le quartier et sa population. Il rêve de fréquenter les nobles.

Début XXI° siècle, Harcha qui vit dans la banlieue parisienne, fils d'immigré s'étant enrichi par son travail rêve d'un reconnaissance et de vivre dans une grande ville. Sa frustration, la honte le minent davantage de jour en jour.

Très court roman de José Manuel Fajardo qui juxtapose ces deux histoires qui se déroulent à cent quarante ans de distance. C'est redoutablement efficace. A partir de deux vies diamétralement opposées, il raconte comment la frustration, la honte, la peur peuvent amener la haine et la haine la pire des violences. Il part de rien et ses histoires montent crescendo, les petits faits et événement s'enchaînant jusqu'aux situations les plus incroyables. Il a un talent fou, celui de convoquer des héros fictifs tels Dorian Gray ou Dr Jekyll et Mister Hyde ou des personnages des Mille et Une Nuits ou de Don Quichotte ou des personnages réels que je ne citerai pas pour ne rien dévoiler. Et l'on peut faire le lien entre les deux histoires par des détails laissés ici ou là. C'est brillant et flippant parce que l'écrivain montre comment la haine et la violence peuvent s'installer chez certains. Comment d'autres manipulent les plus faibles.

José Manuel Fajardo écrit sobrement, il va à l'essentiel : rien n'est de trop dans son livre ni rien ne manque, c'est court, direct, efficace. Juste comme j'aime. La première phrase :

"A la tombée de la nuit, la ville plongeait dans un épais brouillard qui semblait plutôt monter du fleuve que tomber du ciel, une purulence de ses eaux pestillentielles, un brouillard qui rampait dans les ruelles et virait au jaunâtre, comme s'il prélevait au passage la crasse des quais et des quartiers portuaires, malgré les derniers rayons du soleil qui lui arrachaient encore quelques éclats de cuivre trompeurs. (p.13)

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L
A lire si on a un bon moral, non?
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Y
Ce n'est pas plombant, ça raconte comment on peut en arriver à haïr et commettre l'irréparable.