Kidnapping
Kidnapping, Maryline Gautier, La Différence, 2015.....
Henri Lethuillier est un paisible et jeune retraité de la Compagnie du Gaz. Depuis qu'il a cessé son activité professionnelle, il se consacre à l'écriture de guides qui sont des grands succès de librairies. Habitant de la petite ville de Plessy-sur-Blières, il s'y promène quotidiennement, aussi n'est-il pas difficile de connaître les habitudes de cet homme méthodique. Un après midi de juin, il se fait enlever par deux personnes. Que veulent-elles ? Une rançon ? Qui sont-elles ? Des jaloux de son succès ? L'un des maris qu'il a cocufiés allègrement ? Il est emmené dans une grange retapée par des citadins en mal de verdure, et là, il voit très vite qui sont ses ravisseurs.
Maryline Gautier écrit là son premier roman fort prenant et fort bien mené. Le genre de livre qu'une fois ouvert on ne peut plus refermer avant la fin. Elle se met en partie dans la tête d'Henri, homme qui semble paisible et qui est en fait ce que l'on a coutume d'appeler un pervers narcissique. Un homme dur et froid auquel on ne doit ni ne peut résister, surtout sa femme Adèle et ses deux enfants-jumeaux Jacques et Annabelle âgés d'à peine vingt ans. M. Gautier se met aussi à la place d'observatrice, notant les faits et gestes de chacun, la vie de la famille Lethuillier et ses relations avec les voisins, les habitants du village. Son roman commence avec Henri qui paraît être un homme sage et paisible et qui s'avère être un tyran familial, comme les pages suivantes, très vite nous le décriront. Lorsqu'il se retrouve seul dans cette grange, Henri doit faire une sorte d'auto-analyse, exercice pas aisé pour lui qui ne plie jamais et onques ne se remet en cause.
Le roman est admirablement construit, un début quasi anecdotique - la balade d'Henri à travers champs et le changement de physionomie de nos campagnes-, puis très vite la tension s'installe et ne redescend point. Ce type est ignoble, mais on ne comprend pas vraiment qui lui veut du mal et pourquoi. En fait, on devine, ou plutôt on croit deviner mais des doutes subsistent, et lorsqu'on le sait on attend les raisons du kidnapping, les vraies, les profondes. Car chacun à tour de rôle s'interroge sur l'isolement d'Henri, lui bien sûr, mais aussi ses enfants et Adèle son épouse qui se reproche beaucoup de choses, qui se remet en cause, elle elle peut le faire contrairement à lui. Et au lieu d'une introspection du kidnappé, on assiste à celles de tous les membres de la famille.
C'est aussi un roman rural, dans nos compagnes changeantes et profondes qui gardent néanmoins de vieux réflexes : tout se sait par le commérage, les peurs des uns devant la différence des autres (Adèle est la fille d'une sorcière qui soignait tous les habitants qui eux niaient avoir recours à ses services ; Adèle a préféré taire la transmission de ce don), les jalousies...
Écriture rapide et prenante qui permet d'aller au plus profond des êtres. Peu de fioriture, simplicité et efficacité avant tout, pas toujours le plus facile à obtenir surtout sur un premier roman ; Maryline Gautier entre en littérature en frappant un coup qui devrait laisser quelques traces, du moins, je le lui souhaite.