Le caillou
Le caillou, Sigolène Vinson, Le Tripode, 2015...,
La narratrice est une jeune femme qui vit de peu. Serveuse en extra dans un bar parisien, elle habite dans un petit appartement et n'en sort que rarement. Son voisin, Elle aide sa voisine du dessous, Madame Vallé atteinte d'éléphantiasis en lui faisant ses courses et tient compagnie à son voisin direct, Monsieur Bernard depuis qu'il est venu sonner à sa porte, une nuit, désorienté. Ce vieil homme s'est mis en tête de faire une sculpture de la jeune femme. Ça tombe bien, puisque l'ambition d'icelle est de devenir un caillou. Monsieur Bernard lui raconte sa vie, ses séjours en Corse. A la mort de son voisin, la jeune femme décide d'aller en Corse sur les traces de Monsieur Bernard.
C'est un roman un peu étrange d'une femme qui végète et se laisse mourir à Paris et revit en Corse, sur les côtes du sud d'Ajaccio, à Coti-Chiavari, près du Capo di Muro. Un coin tellement bien décrit tant dans ses décors, ses paysages, ses lumières et ses senteurs qu'une envie irrésistible d'y aller naît en tout lecteur. La Corse est sublime, je le sais pour n'y être jamais allé et pour avoir beaucoup entendu, lu et vu sur cette île.
C'est un roman sur le sens de la vie, sur les raisons qui poussent chacun d'entre nous à vivre avec les autres : l'amour, l'amitié, une passion, un rêve à réaliser, ... Des vies simples mais pleines, pas de grandes ambitions ou des souhaits de notoriété, non juste vivre en harmonie avec soi-même.
C'est un roman sur l'art ou comment les sculptures qui nous viennent des l'Antiquité sont presque plus vivantes que certains hommes. Comment la volonté de créer fait (re)vivre, exister à ses yeux et à ceux d'autrui.
C'est un roman d'amour pour celui que la narratrice attend et qui ne vient pas, alors il lui faudra vivre avec d'autres qu'elle aimera itou. Moins fort ? Pas sûr, mais différemment, l'être idéalisé ne se confrontant évidemment jamais à la réalité, au quotidien.
C'est un roman bien écrit, entre humour du désespoir, mélancolie, envie malgré tout de vivre. Phrases assez courtes, des dialogues, on est dans la tête de la jeune femme qui, avant de partir en Corse se laisse solidifier pour devenir caillou. Le style est très évocateur, on voit les paysages corses, on sent les odeurs tant celle de l'humidité et de pourriture de l'appartement de Monsieur Bernard que celles des arbustes qui ornent le chemin corse qu'elle emprunte chaque jour : lentisque, myrte et figuier. Je vous le disais plus haut, ne reste plus qu'à aller vérifier tout cela sur place.