Overblog
Editer l'article Suivre ce blog Administration + Créer mon blog

Le repentir

Publié le par Yv

Le repentir, Patrick Weiller, Cohen&Cohen, 2018.....

Le narrateur de ce roman, mentor d'un marchand de tableaux auquel il a fait faire des années auparavant des études de médecine, puis une spécialisation en psychiatrie et qui, à son grand désespoir n'a pas pu devenir psychanalyste, car n'a jamais pu suivre une analyse et l'a finalement dirigé vers l'art, ne peut s'empêcher de le critiquer. Il raille ses limites, ironise sur son dernier achat censé être un Poussin et n'étant sans doute qu'une copie. Toute sa vie à tirer son élève vers le haut pour en arriver à cet échec. Élève qui toujours s'en remet grâce à la présence lumineuse de Marianne.

Difficile de n'y voir pas une partie autobiographique lorsqu'on sait que Patrick Weiller a été psychiatre, puis marchand d'art avant d'en venir à l'écriture.

Difficile aussi de décrocher de ce roman qui parle du monde de l'art, du métier de marchand de tableaux, des achats risqués, des gros coups, des coups parfois tordus. Tout cela est le contexte, le fond de la toile du roman qui s'intéresse beaucoup plus à ses trois personnages au premier plan : le marchand de tableaux dont on ne connaît pas le prénom, le mentor et Marianne. A partir d'un matériau mou, sans réelle volonté, la narrateur va construire un homme : "Mais le pire fut qu'au lieu de dégager l'être ouvert, sensible, intelligent, inventif, dynamique qu'il portait sans doute en lui, cette psychanalyse eut pour effet de verrouiller son regard sur la contemplation angoissée de son nombril qui avait, comme beaucoup de nombrils, la forme d'un point d'interrogation. Après qu'il eut passé dix ans sur le divan, son analyste déclara forfait. Son type de problématique, lui apprit-il un jour, était inanalysable. Plus exactement, on ne trouvait rien en lui qu'on pût analyser, seulement un vide, une béance, un trou. - On n'analyse pas un trou, conclut le praticien." (p. 21/22)

Son tableau prend forme sous nos yeux, à coups de pinceaux et de brosses subtils, Patrick Weiller dévoile les failles et les forces de ses héros, entre en détails dans leurs vies, leur fonctionnement, leurs esprits. C'est magistralement fait. J'ai beaucoup aimé cela et la manière qu'il a de faire interagir ses personnages qui les uns sans les autres ne seraient pas aussi intéressants, aussi profonds. Chacun sert à l'autre à se montrer sous un jour parfois différent de ce qu'il est au plus profond de lui-même, parfois non. Les questionnements sur l'amour, l'amitié, l'attachement, le sens de la réussite d'une vie, la pression sociale, l'héritage, la culture, le formalisme, l'indépendance d'esprit, tout cela est passionnant et m'a souvent paru très proche de mes pensées et propres interrogations. En outre, la langue est belle, pas précieuse mais riche et travaillée, de belles phrases, longues parfois

Difficile également de parler de ce roman sans trop en dire, j'aimerais que chaque lecteur puisse se faire sa propre idée, sa propre interprétation de ce texte. Comme lorsque l'on regarde un tableau et que chacun y met sa sensibilité.

Publié chez Cohen&Cohen, maison spécialiste de l'art, tant dans les beaux-livres que dans les romans voire les polars (j'ai lu et apprécié Varvara de Patrick Weiller dans la collection Art noir), ce roman est une vraie réussite, de celles qui font se poser des questions, qui touchent les lecteurs.

Commenter cet article
Z
Je ne peux que noter tant ton avis donne envie de le lire
Répondre
Y
Encore un !
A
Le repentir en psychanalyse doit en effet être un sujet fort riche.
Répondre
Y
Sans doute, là il s'agit plutôt du repentir du peintre,
M
La première de couverture est déjà un appel et ta critique un autre, donc... je note. Merci !
Répondre
Y
Cohen&Cohen édite des livres liés à l'art, des polars, romans ou beaux livres
M
Je ne connais pas cet auteur mais je regarderai si je le trouve en médiathèque...Merci pour la découverte
Répondre
Y
Il n'est pas très connu, mais ses bouquins sont très bien
K
Tu a su me convaincre !
Répondre
Y
Bonne nouvelle !