Sur ta tombe

Sur ta tombe, Ken Bruen, Fayard noir, 2013 (traduit par Caherine Cheval et Marie Ploux).....
Un prêtre est agressé par une fille et deux garçons, devant une église, laissé pour quasi mort. Jack Taylor est engagé par un autre prêtre, Gabriel, membre d'un groupe auto-chargé de sauvegarder la réputation de l'Église (ce qu'il en reste); Jack doit retrouver le trésorier de ce groupe qui s'est fait la malle avec 750 000 euros. Puis Jack est enlevé, tabassé et mutilé, deux doigts de la main droite coupés, on lui en veut à lui et à ses amis hors norme.
Neuvième et pénultième aventure de Jack Taylor : vivement la suite, même si c'est l'ultime ! Toujours pareil avec lui, ça commence avec un Jack Taylor qui picole, qui résout une petite affaire ici ou là, le train-train quoi ! Et puis, tout part en quenouille sans "en" avoir l'air, et le lecteur est ferré, totalement accro et incapable de lâcher le livre, tout en le lisant lentement pour bien savourer. Les moments qui suivent la lecture d'une enquête de Jack Taylor, ma tête est encore en Irlande (enfin, je dis cela, mais je n'y suis encore jamais allé, à mon grand regret. Un jour sûr.) Pour qui aime Jack, il ne sera pas dépaysé, il encaisse, il encaisse et finit par rendre monnaie de la pièce, même très amoindri. Parce que le Jack, il est pas aux standards des privés de littérature ou de cinéma : il est alcoolique à un degré très élevé, dépendant du Xanax, boiteux, un tympan crevé et équipé d'un sonotone et maintenant, il perd deux doigts ; physiquement, il est pas au top, disons que ce n'est sans doute pas George Clooney ou Brad Pitt qui pourraient l'interpréter, mais plutôt Richard Bohringer (même s'il est un peu vieux pour le rôle, et avec tout le respect et l'admiration que j'ai pour lui) ou quelqu'un avec un physique approchant : "Mais qu'il soit alcoolique au dernier degré et, elle le soupçonnait, accro à pratiquement toutes les substances illicites en circulation n'y changeait rien : le jour où vous vous retrouviez le dos au mur, c'était vers cette épave vieillissante à moitié sourde et affligée d'une patte folle que vous vous tourniez." (p.103). On lit les enquêtes de Jack Taylor pour le plaisir de le retrouver, pour prendre de ses -mauvaises- nouvelles et toujours ravi qu'il tienne encore debout. Mais on lit aussi pour le style Ken Bruen, relâché, oral, sarcastique et ironique, drôle, un rien détaché : "Un catholique non pratiquant, c'est quelqu'un qui protège ses arrières" écrit-il en exergue d'un chapitre (p.49).
Cette fois-ci en plus de Jack et de ses aventures, de la critique d'une certaine manière de pratiquer sa religion, Ken Bruen, par petites touches parle de l'Irlande, des difficultés auxquelles elle est confrontée : chômage, pauvreté, désarroi des Irlandais devant ce qui leur arrive, hiver glacial qui ne les rend pas optimistes : la crise les touche de plein fouet, violemment empêchant les plus faibles de réagir et les plongeant dans la misère et les galères. On est loin de l'Irlande des grands espaces verts, Galway est une ville qui souffre. "L'Irlande commençait à émerger de trois semaines ininterrompues de chute de neige et de températures polaires. Du jamais vu. Les piétons, piégés par des trottoirs transformés en patinoire, se retrouvaient avec, qui un bras, qui une jambe, dans le plâtre. Le gouvernement avait importé de sel d'Espagne. Putain, je savais que le pays manquait d'à peu près tout, et d'ironie en particulier, mais de sel ? Et puis quoi encore ?" (p.181/182)
Je n'ai pas lu toutes les enquêtes de Jack, c'est seulement ma quatrième, ou je deviens un aficionado, ou alors elles gagnent en qualité, ou les deux mon général. Toujours est-il que j'attends la suivante et dernière de pied ferme. En plus la playlist de Jack est facile à suivre, et il vient de me faire découvrir The Saw Doctors qu'il vénère ne pouvant s'empêcher de balancer une vacherie à Bono (de U2) : on ne se refait pas, Jack est direct et franc.