Rosa candida
Rosa candida, Audur Ava Olafsdottir, Zulma, 2010
Arnljotur est un jeune homme de 22 ans. Père d'une petite Flora Sol née d'une demi-nuit passée avec Anna. Ne se sentant ni homme, ni père, ni conjoint, le jeune homme, amoureux des fleurs en général et des roses en particulier, amour qu'il tient de sa mère récemment décédée, quitte son pays pour rejoindre un village dans lequel tente de survivre une roseraie jadis exceptionnelle. Plus ou moins entretenu par des moines, Arnljotur est engagé pour remettre ce jardin en état. Il en profitera pour y planter, un des rosiers de sa mère qui donne des fleurs pourpres à huit pétales.
Le voici chez moi ce livre tant décrit et tant aimé sur les blogs (merci Hélène pour ce prêt). J'ajoute donc ma petite note personnelle, qui pour une fois, va dans le sens de la majorité. C'est vraiment un très joli livre, d'une écriture simple, sans artifice qui décrit les gestes du quotidien, la moindre des pensées du jeune héros. Sans qu'il n'y paraisse, l'auteure scrute et dissèque les états d'âme du jeune homme : il se met totalement à nu. Rarement un personnage en aura autant dit sur ses pensées les plus intimes, ses peurs, ses doutes : "Si l'on fait abstraction de mon allure juvénile, je me sens comme un homme courbé sous le poids des ans à force d'avoir vécu, dans le corps d'un homme jeune. Ne s'agit-il pas désormais de passer le temps jusqu'à la tombe ? Y a-t-il encore quoi que ce soit qui puisse me surprendre ?" (p.52) Voilà l'état d'esprit d'Arnljotur avant son départ. Son voyage initiatique va lui faire goûter aux joies de la vie, lui faire prendre conscience de son corps, de son être et de son entourage. Candide moderne, il découvre la vie, aidé en cela par sa relation avec frère Thomas, véritable confesseur, qui lui répond parfois directement, notamment lorsque Arnljotur lui parle de sa mort : "Les hommes passent leur vie à la recherche d'eux-mêmes. On n'arrive jamais à une conclusion définitive en ce domaine. Je n'ai pas l'impression que tu aies un pied dans la tombe." (p.175), mais aussi parfois en lui demandant de visionner un film d'art et d'essai dont il est fervent. A chaque fois, frère Thomas et le jeune homme se retrouvent autour d'un verre de liqueur : poire, cassis, abricot, ... Comme quoi la nourriture n'est pas que spirituelle, elle est aussi plus prosaïquement pour le corps. D'ailleurs, le jeune homme sera contraint également d'apprendre à cuisiner.
Tout en redessinant la roseraie quasiment à l'identique de ce qu'elle était jadis, il avance sur les questions de la paternité, de la vie à deux, de la famille. Même si ses questionnements tournent beaucoup autour de la disparition, de la mort, mais aussi de l'amour spirituel et physique, le livre est plutôt drôle. Le ton n'est pas à la franche rigolade, mais au sourire. De fait, j'ai ouvert le bouquin et le sourire est venu qui ne m'a plus quitté jusqu'à la fin - si je vous dis que je l'ai lu dans un aller/retour Nantes/Paris, imaginez la tête des voyageurs à côté et en face de moi, ils ont dû me prendre pour le benêt de service !
Voilà donc pour moi une très belle lecture reposante, vivifiante, fraîche ; de beaux personnages : frère Thomas, Anna, Arnljotur, son père et la petite Flora Sol. Un charme qui opère tout le long, un peu comme dans Là-haut, tout est calme ; on se demande qu'elle est la recette pour que ces livres simples fonctionnent aussi bien. Il y en a sûrement plusieurs, mais je ne les connais pas. La seule chose que je sache, c'est qu'il ne faut pas passer à côté de ce roman, sous peine de perdre une belle occasion de se faire plaisir et de sourire.
Beaucoup de critique et d'avis chez babelio, mais sûrement ailleurs aussi.