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Le Démon

Publié le par Yv

Le démon, Ken Bruen, Fayard noir, 2012 (traduit par Marie Ploux et Catherine Cheval)

Jack Taylor est refoulé à l'aéroport alors qu'il comptait recommencer sa vie aux États-Unis. Il retourne donc à Galway et erre dans les pubs. On lui propose des affaires qu'il accepte de mauvais gré. Ces affaires et ses fréquentations habituelles l'amènent à croiser sur sa route un étrange Mr K. tantôt chauve, tantôt paré d'une longue chevelure blonde. Cet homme laisse dans son sillage des sensations fortes, il ne laisse personne, ni Jack indifférent, sûr qu'il a affaire au Diable personnifié.

Tous les ingrédients d'une enquête de Jack Taylor sont réunis :

- enquêteur qui ne se jette pas vraiment dans l'action

- Galway et l'Irlande

- la religion

- des références extrêmement nombreuses au cinéma, la littérature noire, la musique, les émissions télévisuelles : trop parfois, c'est un peu gênant de n'en connaître pas une sur dix ou vingt, et ça fait un peu inventaire duquel je me sens exclu. Dommage, car le lecteur, c'est quand même moi ! Mais, bon, les autres lecteurs sont sûrement plus instruits que moi.

- l'alcoolisme profond de Jack qui ne carbure qu'au Jameson et à la Guiness (uniquement à la pression et tirée par des pros) auquel il rajoute du Xanax : un peu fatigant sur la longueur, car il n'y a pas une page qui ne fasse mention de son absorption de whisky, de bière et/ou de médicaments. On a compris le problème, l'asséner à toutes les pages est un peu "too much"

Ces deux réserves dites, il est indéniable que j'ai dans les mains un polar hors norme. Jack Taylor y est omniprésent, le narrateur de cette histoire. Il est détective privé, mais ne se précipite pas dans ses investigations ; il laisse venir à lui les informations, fouille un peu quand même mais pas trop. Il est tellement englué dans sa vie personnelle qu'il lui est parfois difficile de faire face. Jack est une épave alcoolisée, un pauvre type, qui, cependant gêne au plus haut point. Désabusé, blasé, plus beaucoup d'espoir en lui et en la société. Il faut dire que l'époque actuelle n'incite pas vraiment à la déconnade tous azimuts :

"Les infos défilaient à l'écran, toutes plus sinistres les unes que les autres : licenciements, gestes désespérés, expulsions, un inceste indicible à moins de trente bornes, arnaques, meurtres en voiture à Dublin devant des petits enfants, une kyrielle de suicides et, pour couronner l'ensemble : les prochaines cérémonies des oscars.

Y'a de quoi sombrer dans l'alcool, pensez pas ?

Tu parles, de nos jours, c'est de l'héroïne pure qu'il faut, pour digérer les infos." (p.92)

Constat que je partage avec lui (sauf pour l'alcool et la drogue, bien sûr, sain de corps et d'esprit je suis -enfin, il paraît.) Mais les rares fois où j'écoute les informations, il me faut bien avouer que cet inventaire à la Taylor y est présent, dans cet ordre ou dans un autre. Une des raisons qui me font boycotter autant que faire je peux les journaux télévisés, papier et même de plus en plus radio, qui se ressemblent tous cherchant l'info qui rapporte (des auditeurs, lecteurs ou téléspectateurs) et qu'ils pourront développer suffisamment longtemps pour garder voire augmenter l'audimat !

Ceci étant dit, revenons au bouquin et notamment à l'écriture de Ken Bruen. Sèche, dénuée de tours et détours, elle va au plus court. Jack Taylor ne parle pas toujours, parfois, il éructe ! Malgré cette économie de moyens littéraires ou grâce à eux, Ken Bruen construit un bouquin passionnant qui ne fait pas l'impasse sur les difficultés du moment : la crise, la violence, la désillusion, ... Enfin, bref que des domaines dans lesquels le Démon intervient en force, à tel point qu'on peut se demander en lisant ce livre s'il n'est pas en train de gagner la partie. Jack Taylor mène un combat contre le Diable, du côté de son Dieu (eh oui, malgré tout ce que j'ai dit plus haut, Jack est croyant). Le classique le Bien contre le Mal, mais à la mode Ken Bruen ! C'est à dire que ça dégage et qu'on est loin des ligues de bonnes vertus. Un combat inégal, sans doute perdu d'avance, assez rare dans les polars, un rien mystique et improbable voire onirique, mais Jack n'a pas dit son dernier mot. Beau travail des traductrices : il fallait bien être deux pour l'ampleur de la tâche.

 

challenge 1% thrillers

 

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A
Fayard Noir me l'avait proposé, ainsi que Le temps du rêve de Norman Spinrad. J'ai choisi le second...mauvaise pioche.
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Y
<br /> <br /> Et ouais, pour ma part, j'ai eu du mal à résister à Jack<br /> <br /> <br /> <br />
A
Encore une tentation...
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Y
<br /> <br /> Désolé...<br /> <br /> <br /> <br />
L
Ne t'inquiètes pas, mon homme ne lit pas les blogs !!!
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Y
<br /> <br /> Ouf, sauvé <br /> <br /> <br /> <br />
L
:D
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Y
<br /> <br /> Ça reste entre nous bien sûr<br /> <br /> <br /> <br />
L
Tu es très tentant !!!
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Y
<br /> <br /> Je sais, c'est ce que me dit ma femme très souvent...<br /> <br /> <br /> <br />
C
Je viens aussi de le lire. C'est le premier Ken Bruen que je lis et j'ai été un peu désarçonnée par le style haché et répétitif, et aussi par le personnage de Jack Taylor. Je crois qu'il faut les<br /> lire depuis le début de la série pour vraiment apprécier (pourtant j'aime les privés alcoolos et border-line...)
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Y
<br /> <br /> Peut-être une plongée dans ses aventures précédentes est-elle utile alors ? J'ai lu Toxic blues et Delirium tremens qui sont pas mal<br /> <br /> <br /> <br />
C
Salut Yv...<br /> S'il est désormais un peu moins glauque qu'à ses débuts, notre copain Jack Taylor reste un de nos personnages favoris. Ce n'est pas "Le Démon" qui nous empêchera de l'adorer, bien au contraire.<br /> Amitiés.
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Y
<br /> <br /> Salut Claude, je crois qu'effectivement il est attachant et même si je n'ai pas lu toutes ses enquêtes, je dois dire que je l'aime bien ce Jack !<br /> <br /> <br /> A bientôt<br /> <br /> <br /> <br />
K
"L'enquêteur qui ne se lance pas dans l'action" c'est vraiment typique de Jack Taylor... Dans l'un de ces romans, je crois bien qu'il n'avait rien fait du tout, à part être là... ;-)
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Y
<br /> <br /> C'est exact j'ai lu l'une des ses "enquêtes" dans laquelle il ne faisait rien<br /> <br /> <br /> <br />
D
Bonjour Yv, moi, je suis contente que Fayard ait repris le flambeau après que Gallimard n'ait pas voulu (semble-t-il) continuer d'éditer Ken Bruen. Je n'ai pas encore ce roman mais j'ai lu tous les<br /> autres sauf un avec Jack Taylor qui est un personnage attachant avec ses vices divers et variés. Bon après-midi.
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Y
<br /> <br /> Je l'ai suivi épisodiquement, puisque je crois avoir lu trois enquêtes, mais il est effectivement attachant, et Fayard noir est un bel éditeur dans le domaine du polar<br /> <br /> <br /> <br />
A
Maintenant que j'ai fini les Wallander (sauf le tout dernier paru) je vais m'attaquer à une autre série. Il me paraît bien déglingué ce flic là ?
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Y
<br /> <br /> Il l'est. C'est ici sa huitième enquête, il faut sans doute les prendre dans l'ordre. Ça change de Wallander<br /> <br /> <br /> <br />