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Le chef-d'oeuvre inconnu

Publié le par Yv

Le chef-d’œuvre inconnu, Honoré de Balzac, Flammarion, Etonnants classiques, 2004.....

1612, le jeune Nicolas Poussin, pas encore le peintre de renom qu’il deviendra va rencontrer Porbus, un peintre déjà célèbre à l’époque, notamment pour ses portraits d’Henri IV. Dans l’escalier qui mène à son atelier, il rencontre un homme étonnant, Frenhofer, qui va se permettre de critiquer le dernier tableau du maître Porbus et même de le finir par quelques touches de couleurs ça et là. Porbus le présente à Poussin. Frenhofer parle alors de son chef-d’œuvre, son portrait d’une femme toujours inachevé bien qu’il travaille dessus depuis dix ans. Porbus et Poussin sont invités à visiter l’atelier de Frenhofer, et là, Nicolas Poussin a une idée pour permettre au maître de finir sa toile : convaincre Gillette, sa très jolie petite amie de poser pour lui.

Ce court texte est écrit en 1831, publié dans le journal L’artiste la même année, puis dans un recueil Romans et contes philosophiques, chez Charles Gosselin remanié a diverses reprises, notamment en 1837 pour lui une portée plus philosophique moins axé donc sur l'intrigue et en 1845, version que Flammarion édite dans cette collection Étonnants classiques.

Je ne suis pas un spécialiste des grands classiques, je n’en ai pas lu énormément. Balzac m’a toujours fait un peu peur par ses longues descriptions parfois difficiles à lire de bout en bout : même dans ce petit texte, il y a un ou deux passages longuets qui n’apportent rien au récit, qui l’alourdissent même (suis-je bien fier pour me permettre de critiquer ainsi Balzac ici ?).  Mais lorsque Balzac fait parler Frenhofer, quelle force et quels propos : "La mission de l’art n’est pas de copier la nature, mais de l’exprimer ! Tu n’es pas un vil copiste, mais un poète !" (p.38), et je vous passe la suite qui est une vraie leçon pour tous les peintres, sculpteurs, écrivains, tous les créateurs à qui il dit (je ne peux quand même pas raisonnablement tout passer) : "Il  vous faudra user bien des crayons, couvrir bien des toiles avant d’arriver. Assurément une femme porte sa tête de cette manière, elle tient sa jupe ainsi, ses yeux s’alanguissent et se fondent avec cet air de douceur résignée, l’ombre palpitante des cils flotte ainsi sur les joues ! C’est cela, et ce n’est pas cela ! Qu’y manque-t-il ? Un rien, mais ce rien est tout. Vous avez l’apparence de la vie, mais vous n’exprimez pas son trop-plein qui déborde, ce je-ne-sais-quoi qui est l’âme peut-être et qui flotte nuageusement sur l’enveloppe ; enfin cette fleur de vie  que Titien et Raphaël ont surprise." (p.40)

Le vrai personnage principal de cette œuvre est bien sûr Frenhofer. Personnage atypique qui ne rêve que de son chef-d’œuvre qui ne vit que pour le réaliser ou pour tendre vers sa réalisation qu’il repousse tant il n’est pas persuadé de la réussir et tant il sait qu’une fois qu’il l’aura réalisée, sa vie n’aura plus de sens. Un personnage énorme qui m’a emballé par ses emportements, ses théories qu’il énonce fortement et distinctement sans avoir cure des petites fiertés ou susceptibilités des uns et des autres. Et les souvenirs que j’avais de l’écriture un rien empesée de Balzac en prennent un coup : pas si datée que cela -certes certaines expressions, certains mots ne sont plus usités actuellement, tels "Tudieu" ou encore la si belle suite d’injures qui devrait faire son retour, parce qu’elle est tout simplement magnifique : "Tu ne vois rien, manant ! maheustre ! bélître ! bardache !"  (p.64), c’est quand même mieux que ce qu’on peut lire de nos jours !- et même assez actuelle si l’on lit certains auteurs qui travaillent un peu leur langue.

Un classique passionnant, conseillé par un ami, qu’à mon tour je ne peux que conseiller à tous, amateurs d’art ou non. C'est un livre écrit il y a plus de 180 ans et qui colle parfaitement à une analyse des peintres modernes, notamment tous ceux qui ont commencé à déstructurer le dessin, tels Picasso, Braque et nombreux autres.

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P
Il est intéressant pour sa forme comme pour le fond. Il pose bien les questions philosophiques autour de l'art, et ce, de façon tout à fait intégrée à l'histoire.
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Y
<br /> <br /> C'est exactement cela, un roman à lire forcément<br /> <br /> <br /> <br />
G
test
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Y
<br /> <br /> ... forcément réussi<br /> <br /> <br /> <br />
G
Je suis bien aise de trouver ton billet, car j'ai ce livre dans ma PAL depuis plusieurs années, suite à ma visite d'un château où Balzac aimait aller en vacances. L'autre jour, j'ai pris ce livre<br /> dans les mains, et mes appréhensions balzaciennes m'envahissant de nouveau, je l'ai reposé. Voici un billet qui m'encouragera à me plonger sans ce chef d'oeuvre.... connu !!!
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Y
<br /> <br /> Alors, je te conseille de le reprendre et de l'ouvrir, tes appréhensions devraient tomber, si tu passes comme moi sur un ou deux (mais pas plus) passages, le reste est excellent<br /> <br /> <br /> <br />
O
Bonjour Yv<br /> Je n'ai jamais vraiment accroché avec Balzac, peut-être à cause des lectures imposées au collège. En vieillissante, peut-être que je vais me laisser tenter.<br /> Amitiés
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Y
<br /> <br /> Bonjour Paul, je t'avoue que moi non plus jen'ai jamais accroché avec lui, sans doute pour les mêmes raisons, et puis après sont venues d'autres lectures. Mais fais-moi confiance, celui-ci tu<br /> peux y aller sans risque !<br /> <br /> <br /> Amicalement,<br /> <br /> <br /> <br />
Z
J'ai adoré Balzac, puis, je n'en ai plus lu. Ce serait l'occasion de renouer avec;
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Y
<br /> Oui, une occasion courte et très plaisante<br /> <br /> <br />
A
Celui-ci de Balzac me tente bien.
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Y
<br /> <br /> C'est un bon moyen de lire du Balzac sans se faire ch... <br /> <br /> <br /> <br />
K
Tu peux critiquer Balzac, il ne viendra pas poster un commentaire incendiaire chez toi... ^_^<br /> Ceci étant, un bon p'tit classique, ça fait du bien... des longueurs? Hum, il est de son époque, ça pose l'ambiance, et puis c'est bien écrit?<br /> Mes dernières expériences balzaciennes m'ont fait réaliser qu'il sait bien démarrer ses romans par de bonnes accroches, et après, hop, une fois le lecteur ferré, on y a sur les descriptions (le<br /> malin!)
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Y
<br /> <br /> Pas faux, il ne viendra pas, mais les adorateurs, ceux qui ne jurent que par tel ou tel auteur pourraient veir me demander des comptes, ce dont je n'ai cure d'ailleurs. Quant au reste, l'écriture<br /> est magnifique et le format condensé de l'histoire nous évite les digressions inutiles et longues. Des classqiues comme ça, je dis oui<br /> <br /> <br /> <br />