L'enfant de la neige
L'enfant de la neige, Henri Gougaud, Albin Michel, 2011
XIIème siècle, Pamiers en Ariège, Jaufré encore très jeune enfant est trouvé dans la neige, par le Père Aymar, prieur du couvent de la ville. Jaufré grandira entre Aymar, la figure du père, Thomette la servante et Alexis, le fils de celle-ci qu'il appelle son frère. Puis, Jaufré partira sur la route, troubadour. Par un concours de circonstance -suite à une cuite carabinée-, il revient à Pamiers et trouve un manuscrit mystérieux d'un moine qui écrit ses doutes en la foi, ce qui à l'époque n'est pas vraiment bien vu, l'Inquisition veillant au grain. Jaufré en tentant de comprendre qui a bien pu écrire ces mots va faire des découvertes sur ses origines.
Autant le dire tout de suite, je ne suis pas spécialiste du Moyen-Age et donc s'il existe des clichés, des erreurs, des anachronismes, je ne saurais les débusquer. Je le précise parce que j'ai lu un article particulièrement virulent sur ce thème concernant ce roman (ici, si vous voulez plus de précision). J'ai donc pris ce livre pour ce qu'il est : un bon roman initiatique qui se passe au XIIIème siècle, un conte.
Nous voilà donc en plein cœur d'une intrigue et d'une région dans laquelle les hérétiques étaient nombreux. L'Eglise et ses représentants n'ont pas forcément le beau rôle, mais l'époque n'était pas franchement à la rigolade sur ces questions de religion (de nos jours, bien sûr, nous pouvons parler de tout, Charlie Hebdo incendié et des pièces de théâtres vilipendées sans avoir été vues ne sont que pures pratiques d'ouverture et de tolérance !). L'Inquisition faisait brûler quiconque pensait -et proférait- différemment, sous prétexte de sorcelleries ou autres hérésies. Mais l'amour rôde et Jaufré qui ne rêve que de le chanter pourrait bien le voir de très près. Henri Gougaud oppose donc malicieusement cette haine de la pensée différente à l'amour charnel et spirituel. Ses personnages sont bien décrits, sûrement caricaturaux pour certains, mais d'autres sont plus complexes, comme Vitalis, ce moine copiste qui ne sait faire une phrase sans jurer ; c'est un vieil homme qui a probablement perdu la foi -du moins celle de l'époque en la personnification de Dieu-, mais qui a gardé un amour immense pour les livres et son métier de copiste qui permet la diffusion d'iceux. Pour le plaisir voici sa première intervention :
"Par les couillons du père pape, j'aurais dû tirer le verrou. Ne reste pas planté, andouille, entre donc, puisque tu es là. Pose ton cul où tu voudras mais tais-toi, silence, motus ! Laisse-moi finir cette page." (p.56)
C'est évidemment le plus truculent de tous, celui qui sait mais qui se tait. Comme dans tout bon roman, chacun sait des choses mais ne les dit pas, sinon, point d'intrigue !
Les autres personnages gravitent autour de Jaufré l'aidant à trouver la vérité, certains plus denses que d'autres, tous très vivants. C'est ce qui ressort de cette histoire d'ailleurs : une joie de vivre, un sentiment d'avoir envie de profiter de la vie ! C'est peut-être un Moyen-Age idéalisé, mais qu'importe, les bonnes nouvelles ne sont pas légion en ce moment, alors prenons du bon temps en lisant !
Ecrit classiquement (avec de faux airs de vieux français dans les dialogues), c'est un roman qui, s'il n'est pas révolutionnaire, ne vous tombera pas des mains. De quoi vous faire passer un après-midi bien agréable au soleil de Pamiers, en des temps reculés, avec des héros bien sympathiques. Jaufré va de surprise en surprise, et le lecteur, sans lire ici de roman policier, pourra trouver du suspense dans la résolution de l'énigme de la naissance de ce jeune troubadour.
Un article aussi chez Bibliosurf.
Merci Aliénor.