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Dix-neuf zéro sept

Publié le par Yv

Dix-neuf zéro sept, Sylvie Aubriot, L'orpailleur, 2023

Le dix-neuf juillet d'une année d'avant l'euro, d'avant les téléphones portables, une jeune femme part trois jours avec son amant, Armand, en laissant ses enfants chez ses parents et son mari à ses occupations. Elle part sillonner avec Armand les routes de Petite-Ville à vélo, lorsque, entrée dans l'agglomération, elle se fait renverser puis écraser par un véhicule conduit par la Boulangère. Durement touchée, elle est emmenée à l'hôpital pour les premiers soins. Puis dans une clinique de Moyenne-Ville dans laquelle, alitée, immobile et seule, elle se repasse en boucle son accident, les causes, les probables conséquences sur sa vie, son couple...

Pour être parfaitement raccord, j'aurais pu, j'aurais dû publier cette chronique le dix-neuf juillet, nous n'en sommes pas loin, oui mais, le dix-neuf, le blog sera fermé pour causes de vacances et ne rouvrira que début août. Alors, comme pour un anniversaire, je préfère quelques jours d'avance à deux ou trois semaines de retard. En outre, ce récit m'a tellement plu que si je parviens à transmettre toutes les bonnes raisons d'aller acheter ce livre, nul doute que vous vous précipiterez en masse dans vos librairies préférées pour le lire cet été, ou sur le site de l'éditeur, en cliquant ici : L'orpailleur. Petite maison qui est à découvrir tant ses choix de textes sont fins et remarquables, vous ne serez pas déçus et au pire, vous faites une jolie découverte.

Pour en revenir au livre, c'est un roman qui raconte à la fois rien, puisqu'il parle de l'immobilité, de ces semaines qui suivent un accident et tout, parce que cette femme blessée va avoir le temps de s'interroger, d'aller au plus profond d'elle-même. "Je ne veux pas non plus séduire ou envoûter qui que ce soit, moi, avec mon petit récit, je veux juste me débarrasser de mon amertume, de ma rancune, de ma colère, les jeter sur le papier et de ce papier, torcher ma mémoire souillée et l'assainir, la nettoyer, la rendre aussi propre qu'une serviette lessivée sentant bon le jasmin." (p.55) Elle passe parfois d'une réflexion intense sur son avenir, son couple, sa féminité, ses relations aux autres, à des considérations nettement plus prosaïques, comme le premier lever pour aller aux toilettes ou l'humiliation du bassin lorsqu'on ne peut pas se lever.

C'est formidablement bien écrit, j'ai beaucoup aimé les longues phrases, qui digressent parfois : "Depuis que j'ai subi le contact avec la voiture de la Boulangère, je n'ai plus le choix de rien, comme si elle m'avait jeté, sans préavis ni procès, dans un ergastule, c'est un mot que j'ai découvert en sixième quand j'ai commencé à faire du latin, c'est là que j'ai appris qu'il s'agissait d'un petit cachot souterrain antique, voilà à quoi me sert le latin finalement et voilà dans quoi je me suis fait mettre, comme si par Armand -oui, je sais je recommence, alors que je ne voulais plus parler de lui- ça n'avait pas suffi la première nuit de l'escapade où j'avais bien dû admettre qu'il ne s'y prenait pas tout à fait comme je l'aurais voulu, et j'espérais un progrès pour la nuit suivante, mais cette nuit-là, la suivante, j'étais sur un lit d'hôpital où je me suis fait incendier par l'infirmière et son produit machiavélique, voilà où j'en suis, à ne plus pouvoir décider de rien, à être contrainte, obligée, à me plier, me soumettre." (p.111) Je l'ai cité dans son entièreté, même si cela va allonger ma recension, et j'aurais pu en citer d'autres, tant j'en ai notées. Peut-être un peu long sur la fin, ce roman ou récit se déguste, se savoure doucement pour ne rien rater, pour profiter de tous les mots, de toutes les phrases, des tournures, des tourments de cette jeune femme, de ses interrogations, ses doutes, ses peurs, ses angoisses...

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L
si je trouve ce livre je le lirai car tu le défends très bien
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Y
éditeur que je découvre et qui a un catalogue intéressant et original
L
Vous pouvez le commander directement sur le site de l'éditeur, il y a une promotion encours jusqu'au 19 juillet, c'est le moment d'en profiter ! Merci pour votre intérêt.
V
Le style a de quoi me plaire... La période juste avant l'euro et les portables, je crois que je suis parfois nostalgique !
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Y
et c'est un très joli texte qui aborde des questions sur la fidélité, l'amour, la vie...