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En salle

Publié le par Yv

En salle, Claire Baglin, Minuit, 2022

"Dans un menu enfant, on trouve un burger bien emballé, des frites, une boisson, des sauces, un jouet, le rêve. Et puis, quelques années plus tard, on prépare les commandes au drive, on passe le chiffon sur les tables, on obéit aux manageurs : on travaille au fastfood.

En deux récits alternés, la narratrice d'En salle raconte cet écart. D'un côté, une enfance marquée par la figure d'un père ouvrier. De l'autre, ses vingt ans dans un fastfood, où elle rencontre la répétition des gestes, le corps mis à l'épreuve, le vide, l'aliénation." (4ème de couverture)

Tout cela est très bien vu : le père, figure importante, qui ne se sent nulle part à sa place sauf dans sa maison dans une famille à l'ancienne : le canapé, la télé et le travail harassant pour lui et les tâches ménagères pour elle, et dans son travail, vingt ans dans la même boîte et une médaille méritée. Le premier fastfood est pour lui une découverte, une aventure : il ne sait où aller, quoi commander, il ralentit le rythme, se fait houspiller, s'énerve. Claire Baglin raconte la vie d'une famille modeste et la découverte par la jeune fille, la narratrice lorsqu'elle entre au lycée, d'un autre monde plus aisé, socialement plus enviable et sa difficulté à y entrer et à cacher le sien non pas par honte mais parce qu'elle craint d'être jugée. Et si mes années lycée sont très loin, cela résonne en moi encore aujourd'hui et éveille quelques souvenirs pas très heureux, enfant de la cité -pas la même ambiance qu'aujourd'hui, mais quand même la cité-, un peu renfermé qui découvre un autre monde et ne s'y sent ni bien ni accueilli -mais sans doute n'a-t-il pas permis un autre accueil.

L'autre partie du livre s'intéresse aux travailleurs de fastfoods : l'obéissance absolue, le dos rond devant les remarques des manageurs et des clients-rois pas toujours aimables et parfois même méprisants. La répétition des gestes, l'angoisse de trouver une tâche lorsqu'on est de service de salle et que celle-ci s'est vidée, car l'antienne de ces restaurants combat le désœuvrement. Les coups durs aux heures des repas surtout lorsqu'il manque du personnel, les heures supplémentaires, les sonneries à tout-va pour la friteuse, pour la pointeuse... Le bruit incessant. L'aliénation au travail : surtout ne plus penser, travailler, répéter les gestes mécaniquement.

Claire Baglin écrit un texte fort dans ses deux thématiques, sans effets, sans artifices. Le style est direct, descriptif, c'est entre les lignes qu'on lit les sentiments, les émotions de la narratrice. Les amateurs de fastfood, après cette lecture, ne devraient plus regarder les employés de la même manière.

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A
Un roman dont je n'attendais rien mais qui m'a intéressé par ce qu'il dit du travail actuellement.
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Y
je n'aurais pas dit mieux, j'en avais lu beaucoup de bien, trop même, je ne suis pas aussi enthousiaste que certains, mais ce qu'il dit du travail et de la condition sociale des ouvriers me plaît