Overblog
Editer l'article Suivre ce blog Administration + Créer mon blog

La vie, au fond

Publié le par Yv

La vie, au fond, Hugues Serraf, Intervalles, 2022

"Rico c'est l'Alain Delon marseillais, les dents en moins, la bedaine en plus. Quand il n'est pas occupé à refourguer son mauvais shit ou à vendre des blousons en cuir à la sauvette, il se dispute avec son père et philosophe avec le rat qui a élu domicile dans son appartement amianté. Auditeur assidu de France Culture, cet éternel séducteur au catogan défraîchi se dit qu'il est peut-être passé à côté du grand amour. A l'heure des sites de rencontre 3.0, il refuse d'ailleurs obstinément de troquer son Alcatel hors d'âge pour un smartphone dernier cri." (4ème de couverture)

On a envie de l'aider et de bien l'aimer Rico le loser "sans-dent" bedonnant à quelques encablures du sexagénaire. Et l'on parvient sans peine à l'apprécier. Il est touchant, il en fait trop, vivote de ses trafics sans forcément chercher plus -sauf si une occasion point trop fatigante lui tombe dans les mains. Il est désabusé, un peu nostalgique du Marseille d'antan "Et il ne faut pas le stimuler beaucoup pour qu'il déroule sa nostalgie d'un Marseille fernandélo-guéguianesque, avec une pincée de borsalinisme toutefois -ne serait-ce que pour son goût pour la geste mafiosique." (p.52). Borsalino étant l'un de ses films de référence, tendance Alain Delon, son quasi-sosie

Hugues Serraf, comme à son habitude, croque un anti-héros sympathique. Beaucoup d'ironie, d'humour, de légèreté tout en abordant des thèmes lourds, comme la vie qui passe, les regrets d'être passé à côté d'une vie plus enviable, la pauvreté... C'est drôle grâce à des formules détournées, des néologismes, des mots du parler marseillais. Rico, je le vois bien dans un film de Delépine et Kervern, c'est tout à fait le même univers, la France d'en-bas qui, en trimant -OK, c'est un concept assez éloigné pour Rico- enrichit et sert la France d'en-haut.

C'est un roman bien ancré dans notre époque, dans notre société où la réussite se mesure à la grosseur de sa voiture et/ou de sa maison, qui capte l'air du temps et le lecteur doucement et sûrement. Mieux sans doute que certains écrivains à la mode -mais j'abuse, je ne les ai pas lus, j'ai seulement lu sur eux et leurs livres. Sortez des sentiers battus, et osez rencontrer Rico, il saura faire le reste pour que vous restiez avec lui 180 pages.

Hugues Serraf vit à Marseille, j'ai lu et chroniqué certains de ses romans : Deuxième mi-temps, Comment j'ai perdu ma femme à cause du tai chi, Le dernier juif de France.

Commenter cet article