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Le troisième Bouddha

Publié le par Yv

Le troisième Bouddha, Jameson Currier, Perspective cavalière, 2021 (traduit par Étienne Gomez)

Le 11 septembre 2001, à la demande de ses parents, Ted part pour Manhattan à la recherche de son frère aîné, Pup, courtier dans le World Trade Center. Il s'installe dans son appartement et fait connaissance des voisins et des amis de Pup.

Jim et Ari, journalistes font un reportage sur le troisième Bouddha de Bâmiyân, le seul qui aurait résisté aux talibans, lorsque leur voiture saute sur une mine. Ils sont séparés sans nouvelle l'un de l'autre.

Nouvelle maison d'édition, Perspective Cavalière publiera des livres de littérature étrangère qui parcourront différentes parties du monde et des populations marginalisées. Ce premier titre nous emmène aux États-Unis, et en Afghanistan dans les années 2001/2002 avec des hommes qui s'interrogent sur le devenir de la société après les attentats du 11 septembre 2001.

Les deux journalistes qui vivent ensemble se posent pas mal de questions sur l'avenir de leur couple sachant qu'ils ne partagent plus vraiment la même ambition ni les mêmes envies professionnelles. Leur amour résistera-t-il au changement ? Quels sacrifices professionnels sont-ils prêts à faire pour leur vie personnelle ?

Ted lui, au contraire de son frère disparu Pup, homosexuel libéré, n'a pas osé avouer à ses proches son attirance pour les garçons ni n'a franchi le pas d'une relation amoureuse. Ce roman est en quelque sorte son initiation à sa sexualité. Il est aussi un roman sur la quête de soi, sur l'absence et le deuil. Surtout le deuil, car tous les hommes du roman ont eu affaire avec Pup, soit en amitié soit en relation amoureuse. Et son absence est très présente si je puis me permettre. Elle est le point central du roman, celui par lequel tout commence et auquel tout revient.  "Parfois j’avais le sentiment de porter sur mon dos le poids mort de mon frère, je me forçais à sortir de la salle de bain, de l’appartement, dans les rues, dans le métro, je me forçais à faire la queue pour remplir un énième formulaire ou pour parler à un énième conseiller. Comme si cela ne suffisait pas, les amis de Philip me parlaient comme si j’étais gay alors que j’étais encore dans le placard." (p.93)

Après un début passionnant, je me suis ennuyé dans un milieu de livre un peu long, avec des questionnements répétitifs et des hommes qui n'avancent pas, avant de me retrouver plongé dans l'histoire de l'Afghanistan et des trois Bouddhas et de la culture du pays en général : "Jim s’entretint avec un homme aux cheveux blancs et à la barbe blanche, débordant d’espoir, qui venait tout juste d’être nommé conservateur associé. Talat Khan Rehman leur offrit une visite du musée, avec des commentaires sur les pièces qui manquaient et sur les circonstances dans lesquelles elles avaient été endommagées ou pillées. "Nous possédions l’une des collections les plus fines du monde mais aujourd’hui n’importe qui peut entrer et se servir. Nous faisons ce que nous pouvons pour conserver ce qui reste." Jim lui demanda si des objets du musée avaient été retrouvés sur le marché noir. "Nous n’avons pas l’argent nécessaire pour les racheter, répondit-il. Et nos exigences n’ont quasiment aucun poids." (p. 211/212) Puis, il revient aux personnages qui enfin, ont trouvé quelques réponses et s'engagent. Une réserve largement surmontable surtout lorsque la fin du roman redevient très bien.

Jameson Currier adopte une écriture directe, presque journalistique, allant au plus court sans s’embarrasser de fioritures. J'aime assez ce style et c'est ce qui m'a fait tenir dans la partie moins intéressante. Pas mal de personnages interviennent qu'il faut identifier dès le début, mais l'auteur nous y aide bien, et moi qui ait du mal dans ce genre de romans, je m'y suis retrouvé aisément. Ça demande un peu de concentration au départ, c'est un roman exigeant pas de ceux que l'on oublie aussi vite fermés.

Un roman foisonnant et lumineux qui ouvre d'une très belle manière la nouvelle maison d'édition Perspective cavalière. En prime, une couverture cartonnée très réussie, striée aux lignes horizontales, voilà qui promet.

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