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Et on entendait les grillons

Publié le par Yv

Et on entendait les grillons, Corina Sabău, Belleville, 2021 (traduit par Florica Courriol)

Roumanie, dans les années 1980, les femmes peuvent travailler, souvent dans des usines à des tâches ingrates, surveillées par des contremaîtres hommes. Tous obéissent aux règles imposées par la dictature, doivent défiler pour célébrer le "grand timonier". La vie est dure, aucune liberté et encore moins pour les femmes qui ne peuvent même pas choisir combien d'enfants elles désirent, soumises aux hommes et au pouvoir. Parler d'avortement est un crime, alors le subir, lorsque miraculeusement la femme reste vivante, c'est encore pire.

Court roman écrit comme une plongée dans la tête de l'héroïne où l'on aurait accès à toutes ses pensées, ses conversations, ses peurs, ses doutes, ses fatigues... Ça va vite, ça peut partir un peu dans tous les sens au risque de se perdre, il faut beaucoup comprendre entre les lignes. Pas de répit donc pour lire la vie de cette femme qui n'en avait pas beaucoup non plus. Elle tente bien de trouver du réconfort et de l'amitié avec ses collègues, mais les ordres et les hommes ne sont jamais loin. La vie qui pousse en elle alors que son mari ne veut pas d'autre enfant, un cela suffit bien, la pousse à envisager le pire. Et dans ce pays et dans ces années-là, c'est une voie qui peut mener à la mort.

La langue de Corina Sabău peut dérouter, surprendre. Ce court texte demande un peu d'attention et de prendre son temps. Il y a pas mal d'allusions à l'époque et au pays et les notes en fin d'ouvrage sont bien utiles ainsi que l'avant-propos de Florica Courriol, la traductrice. Et comme toujours chez Belleville, la couverture est signée d'un(e) artiste du pays, ici, la roumaine Alina Campean.

"Impossible de me rappeler si c'est elle qui a dit ça -nous avons pourtant si souvent partagé la même table de travail- ou si ces pensées ont jailli de moi, comme à chaque fois que je me souvenais d'elle. J'avais pourtant trouvé une dizaine de bonbons chinois au fond de ma sacoche, j'étais contente, ravie, j'avais le sentiment de ne pas avoir perdu ma journée. Sonia serait si heureuse, je la voyais déjà courir, fière, vers son père : regarde ce que maman m'a apporté, la prochaine fois ce sera du Nutella, oui je te jure, et si c'est pas vrai, tu me laisseras faire des tours d'escalator à Victoria ? promis, juré !, de quoi raviver notre complicité avec ces sucreries orientales..." (p. 11)

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