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Le palais des deux collines

Publié le par Yv

Le palais des deux collines, Karim Kattan, Elyzad, 2021

"Faysal, Palestinien trentenaire, reçoit un mystérieux faire-part de décès. Mais qui est donc cette tante Rita ? Intrigué, il abandonne son amant et sa vie en Europe pour retourner à Jabalayn, son village natal. Dans le palais déserté de son enfance, il erre. Le passé resurgit, fastueux et lourd de secrets. Alors que plane la menace d'une annexion imminente, qu'une famille et un pays sont au crépuscule, l'esprit de Faysal bascule." (4ème de couverture)

Écrit comme une longue lettre ou une confession à son amant délaissé, entrecoupé d'interventions de Nawal, la grand-mère de Faysal, ce très beau roman est un peu exigeant si l'on ne veut pas se perdre. Mais l'attention demandée est inhérente au texte, tant icelui est prenant, fascinant... il sera difficile d'en sortir même pour quelques minutes pour vaquer à des occupations prosaïques. "Mon village, il aurait pu surgir d'un conte de fées. Tu as vu de tes propres yeux que c'est beau et pas-tout-à-fait-comme-le-reste. Il y a quelque chose d'incongru chez moi. C'est un monde à part, une forêt perdu entre ici et demain, c'est ça, Jabalayn. Quelque chose qui cloche, on ne saurait dire quoi, c'est un monde juste un peu différent, une fourchette posée juste un peu trop à gauche de l'assiette, une qualité de l'air imperceptiblement autre." (p.24)

Les pensées de Faysal -et donc son propos- sont décousues, entre le réel, l'onirique, les souvenirs fantasmés ou pas. Puis il y a cette situation de ce village en Cisjordanie, isole, tout autour des villes et villages annexés par les colons et Jabalayn et ses deux collines qui résistent passivement. "Je vais te dire un petit secret sur eux, ils se prennent pour des cowboys de Dieu. La révolution dont ils parlent, c'est le jour  où les colons qui avaient déjà occupé une grande partie de la Cisjordanie ont décidé qu'ils en avaient assez d'attendre et que leur temps était venu. Un peu le grand soir des cowboys : ils allaient prendre, de force, tout ce qu'ils pouvaient du territoire." (p. 39)

Le texte est très beau, je le disais plus haut, fascinant, de ceux qui restent encore en tête même lorsque le livre est fermé, ce qui permet de s'y remettre aisément. Il parle de l'engagement politique et armé pour défendre sa terre, de la lâcheté ou de la peur de lutter, de la résignation. Il est troublant, tendre et violent, envoûtant : "Mourir sur cette colline : l'idée me plaît parfois. Tu l'as sentie, la volupté de Jabalayn, terre de fées où le soir les lucioles encerclent d'un halo extra-terrestre le restaurant de Jihad, désormais envahi de ronces et de digitales, dansent autour des amandiers de la maison, et nous soustraient au monde." (p.47)

Premier roman d'un jeune auteur palestinien, Karim Kattan, publié dans une belle maison, Elyzad.

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L
un point de vue intéressant.
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Y
un très bon roman