Overblog
Editer l'article Suivre ce blog Administration + Créer mon blog

Parias

Publié le par Yv

Parias, Beyrouk, Sabine Wespieser, 2021

Deux voix s'expriment à tour de rôle dans ce roman. D'abord le père qui écrit une longue lettre à sa femme disparue, son seul amour. Il lui écrit de la prison dans laquelle il est enfermé.

Puis le fils, qui raconte sa vie depuis que son père est enfermé et sa mère disparue, au quartier PK7, recueilli par un ami de son père.

A travers ces deux récits, on apprend l'histoire de cette famille.

Qu'il est beau cet texte. Le père, dans une langue belle écrit son amour inconsidéré pour la jeune femme qu'il rencontre. Prêt à tout pour la conquérir et la garder, quitte à se mettre les deux familles à dos. Il y parle poésie, lui le nomade qui a renoncé à la vie de ses ancêtres pour s'installer en ville. Mais vite, il aborde la difficile mixité sociale, l'amour qui s'effiloche, l'obligation d'éloignement pour le travail qui sépare les corps et les cœurs.

"Moi, je n'ai jamais su atteindre les côtes dont je rêvais pourtant. Je voulais aller là où vous étiez, toi et les enfants, me baigner chaque jour de la calme sérénité des moments tranquilles, connaître le langage de tous les jours, les habitudes de chaque instant, les rires, les fâcheries, les petites joies et les petites peines, je ne demandais rien que cela, le bonheur des gens modestes, et je ne l'ai même pas eu." (p.154/155)

Le passé simple donne à la lettre du père une classe et un charmes désuet, comme s'il pouvait enfin écrire à sa bien-aimée tout ce qu'il n'a pas pu lui dire. C'est beau, tout simplement.

A l'inverse, le récit du fils est beaucoup plus oral, c'est un pré-ado qui s'exprime. Le calme, la force et le désespoir du père en sont renforcés. Élevé par un ami, il traîne dans les rues du PK7, se bagarre, chaparde, ce qui lui évite de trop penser aux disparus, sa mère et son père qui refuse qu'il vienne le voir à la prison ainsi que sa petite sœur, Malika, recueillie par un oncle qui refuse de le voir. C'est un récit plus direct, plus naïf qui en écho à celui du père permet de comprendre la globalité de leur histoire familiale.

J'ai déjà lu Beyrouk et son formidable Le griot de l'émir. De nouveau, je suis séduit par son livre, son écriture, la finesse, l'élégance et la beauté d'icelle.

Commenter cet article
P
Ah oui, j'avais bien aimé Le tambour des larmes mais je n'ai pas relu cet auteur, je note, bon weekend !
Répondre
Y
Je ne connais pas celui que tu cites, mais c'est un auteur à lire et relire
A
Merci pour ce conseil de lecture, ce roman a l'air très beau et très fort.
Répondre
Y
Il l'est, tu peux y aller sans risque