Bagdad, la grande évasion
Bagdad, la grande évasion, Saad Z. Hossain, Agullo, 2017 (traduit par Jean-François Le Ruyet)....
"Prenez une ville ravagée par la guerre : Bagdad, 2004. Prenez deux types ordinaires qui tentent de survivre ; ajoutez un ex-tortionnaire qui veut sauver sa peau, un trésor enfoui dans le désert, un GI bouffon mais pas si con.
Incorporez un fanatique religieux psychopathe, un alchimiste mégalo, une Furie et le gardien d'un secret druze.
Versez une enquête millénaire dans un chaos meurtrier chauffé à blanc ; relevez avec sunnites, chiites, mercenaires divers et armée américaine. Assaisonnez de dialogues sarcastiques et servez avec une bonne dose d'absurde." (4ème de couverture)
Pourquoi se priver d'un tel résumé pour écrire le mien qui ne serait pas à la hauteur ? Et puis, franchement, c'est parfois tellement délirant que se raccrocher à un résumé fait maison permet de revenir sur terre. En effet, pour être totalement honnête, je me dois de dire que je n'ai pas toujours tout compris dans ce bouquin. Il y a beaucoup de personnages qui se poursuivent se cherchent, se combattent, s'entraident ; ils sont tous ennemis, mais parfois alliés dans la lutte contre l'un d'entre eux... Et pour couronner le tout, Saad Z. Hossain distille les informations qui nous permettent de bien comprendre son intrigue au fil des pages, petit à petit. Au départ, je fus donc un peu perdu, puis les explications arrivent partiellement mais sûrement. C'est diablement futé de la part du romancier qui nous embarque gentiment et furieusement dans son univers. Car, malgré tout ce que je viens de dire, jamais l'envie de quitter Bagdad et ce roman ne m'a effleuré. Le rythme est tellement enlevé, les dialogues tellement frappants, drôles et décalés, les personnages tellement énervés, désespérés, prêts à tout pour défendre leur cause, le contexte tellement fort et puissant, l'ensemble frôlant l'absurde, que pour rien au monde je n'aurais abandonné ce livre. Au contraire, une prodigieuse envie de connaître l'issue de toute l'aventure s'est introduite en moi -rien de sale, ni de pornographique, je rassure mes lecteurs- dès le début sans me lâcher. J'ai pris une claque tout du long. L'auteur ne se refuse rien ni de parler d'amitié, d'amour, de mort, de vengeance, de croyance mystérieuse, de religion, d'intolérance, de peur, de haine, de l'envie du pouvoir qui amène à toutes les compromissions (cf. certains de nos candidats) à toutes les veuleries, ni de délirer totalement, ou de placer dans cette guerre des personnages très étonnants voire surnaturels.
C'est un roman violent qui se déroule dans une ville en guerre et en ruines. Tous les protagonistes sont devenus durs mais pas insensibles, violents. Il y a de grandes scènes assez terribles, toujours contrebalancées par des situations comiques, absurdes, des dialogues drôles, parmi eux, le suivant :
"T'es gay Tommy ?
- Pas du tout Hoff. J'aime les femmes. Tu te souviens de ce bar de danseuses où on est allés, là où j'ai descendu la stripteaseuse dans son habit de bonne sœur ?
- Euh, fit Hoffman. Ce n'était pas un bar à danseuses, Tommy. Loin de là. Comment je le sais ? Il n'y a pas un seul club de strip dans tout Bagdad. Et il ne s'agissait pas non plus d'un costume de nonne. Mais d'un hijab. Et, pour finir, Tommy, ce n'était pas une stripteaseuse. Mais alors, pas du tout." (p.73)
Un grand moment de littérature, un de ceux qui restent en mémoire longtemps pour tout ce qui y est excessif. Un roman fou, foisonnant, des idées à chaque page. Un premier roman d'un auteur et journaliste bengali (du Bangladesh) dont je me demande bien d'abord s'il a l'esprit sain mais surtout si son second roman -et les autres- sera aussi barré. Merci aux éditions Agullo pour cette découverte -une de plus à leur actif- et pour la traduction de JF Le Ruyet, du travail d'orfèvre !