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Par le temps qui court

Publié le par Yv

Par le temps qui court, Michel Butor, La Différence, 2016.....

Recueil de poésies de Michel Butor, choisies par lui-même et préfacé par Jean-Michel Maulpoix, spécialiste de l'écriture lyrique et par Mireille Calle-Gruber qui a dirigé les Œuvres complètes de Michel Butor à La Différence ; tous deux sont écrivains et professeurs à la Sorbonne Nouvelle. Michel Butor, décédé le 24 août dernier est un des grands écrivains français de notre temps. Discret, il eut le Prix Renaudot pour La modification, mais écrivit beaucoup de poésie, d'essais sur la littérature qu'il enseigna aux États-Unis, en France et en Suisse. Les éditions de La Différence ont publié entre 2006 et 2010 ses œuvres complètes en 12 volumes.

Michel Butor ne se cantonna pas dans un genre qui eût pu faire son succès suite à son Prix Renaudot en 1957, il publia alors des essais, de la poésie, des récits de rêves, de voyage, un livre de collages (Mobile), des textes pour des pièces musicales, ... Éclectisme et expérimentation furent alors ses modes d'écriture. Dans ce court recueil de sa poésie, on sent bien son envie de jouer avec les codes, avec les mots, les genres, les formes. De la poésie littéraire, historique, descriptive, plus classique et/ou jouant avec les formes -certes, on est loin des Caligrammes, mais l'exercice ayant été fort bien fait par Apollinaire, on imagine que Butor ne voulait même pas le copier, tout au plus lui rendre un hommage.

Je ne suis ni très amateur de la poésie, ni très habile à dire ce que j'en pense, c'est un genre auquel parfois je suis hermétique, je me disais cela en commençant ce livre, jusqu'à ce qu juste après ma réflexion, je tombe sur ça :

"Les rayons s'allongent

les couleurs s'échauffent

tandis que le fond de l'air

commence à fraîchir

une prune trop mûre

s'écrase en tombant sur un rocher

 

A son parfum

succède celui d'une rose qui vous surprend

comme un hélicoptère

qui viendrait vous observer

mais le silence

n'est en rien troublé

 

Ponctué

par de lointains aboiements

ourlé

par les répercussions des cloches

brodé

par la dernière mouche de la journée

 

Une dame se souvient

d'une chanson de son enfance

elle s'essaie à la chanter

une autre la joint 

mais toutes les deux

déraillent au milieu d'un couplet

 

Qui s'achève

par des éclats de rire

s'estompant

comme les collines de l'autre côté

de l'autre côté des arbres tremblants" (Sérénade)

 

Que vouliez-vous que je fasse ? J'ai continué, et suis tombé sur d'autres poésies aussi belles, légères lorsqu'elles parlent par exemple de la main qui écrit et qu'elles décrivent tous les mouvements d'icelle, des textes en prose profonds lorsqu'ils parlent par exemple de la colonisation (La ligne de partage des sangs, p.57 : un poème à lire, écouter et méditer dont je vais citer une seule strophe : 

"Tu ne peux pas manger ici car tu y étais avant nous ; et tu risquerais de nous couper l'appétit en nous faisant imaginer une prochaine vague de conquérants plus feutrés, plus sournois que nous, qui nous parqueraient ou nous excluraient, nous interdisant nos maisonnettes à l'anglaise et le culte de nos stars pour nous imposer d'autres rites." 

Ce qui précède est magnifique et ce qui suit formidable, vous comprendrez donc que je vous recommande (très) fortement la lecture des poésies de Michel Butor (et le reste aussi, Improvisations sur Michel Butor, par exemple). Au fil des pages, le poète se fait observateur politique, mais un observateur qui s'engage, qui accuse. Il observe aussi la société, ses bouleversements, le monde qui change... Il pratique également aisément l'ironie et l'auto-dérision, ce qui donne à son oeuvre une aura et une portée toute particulières.

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G
Avec Perros, Calaferte, Bobin, Butor fait partie de ces écrivains qui se moquent des modes et des honneurs, et cela me le rend d'autant plus cher. Ses œuvres complètes sont à la médiathèque près de chez moi. J'y plonge le nez de temps en temps, pour un bain aussi rafraîchissant que celui que je prends parfois aussi dans l'océan! ;-)
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Y
Mon désavantage, c'est que je ne sais pas nager... Mais plus je découvre Butor -qui peut faire un peu peur comme cela, de prime abord- plus je trouve sa lecture saine et revigorante et accessible.
A
De la poésie engagé ? On n'a plus l'habitude.
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Y
Non, d'où l'intérêt de ce recueil
A
Je trouve que sa poésie va bien avec sa tête de vieux sage à l'œil pétillant ... je vais m'empresser d'y jeter un œil en librairie, je me sens conquise.
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Y
Je suis assez d'accord avec toi, sa poésie lui ressemble...
K
J'ai ses Essais sur le roman ici même, quant à la poésie... finalement si toi qui y es hermétique tu as vacillé, pourquoi pas moi? ^_^
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Y
Et bien oui, tu pourras vaciller également, pareil pour ses Improvisations, je ne lis pas beaucoup d'essais ou de conférences, là j'ai beaucoup aimé