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La geste permanente de Gentil-Cœur

Publié le par Yv

La geste permanente de Gentil-Cœur, Fanny Chiarello, Ed. de l'Attente, 2021

"Une jeune joggeuse croisée dans le bassin minier du Pas-de-Calais a inspiré un roman et cette chanson de geste. Images, vers de 11 pieds, assonances et allitérations, mais rien d'épique dans le propos puisqu'on y découvre comment, pendant un mois, tous les jours nombres premiers, la narratrice est allée jusqu'au parc de la jeune athlète sur un vélo en fin de carrière, observant la vie des oiseaux d'eau, subissant la météo, variant ses pique-niques, se trouvant de nouveaux spots de pipi nature et chantant cajun. Ce road-trip entraînant s'amuse à faire un parallèle entre le nord de la France et le sud des États-Unis. La rencontre se produira-t-elle ?" (1ère de couverture)

Quasiment tout du long accompagné de Iko Iko ("jock-a-mo fee-no ai na-né/jock-a-mo fee na-né"), chanson qui reste bien en tête, longtemps, j'ai parcouru les allées du parc Jean-Guimier de Sallaumines au rythme de Fanny Chiarello. Vers de 11 pieds, hendécasyllabe me suis-je laissé susurrer à l'oreille, donc des phrases qui, possiblement, ne se terminent pas à la fin de la ligne mais à la suivante. Mais quelles phrases puisqu'aucune ponctuation, aucune majuscule sauf aux noms propres. Jeux de sons, jeux de mots, Fanny Chiarello fait dans le plus prosaïque mais aussi dans la contemplation.

Long poème en prose, longues chevauchées sur un vieux vélo, à la recherche ou l'attente d'une jeune joggeuse croisée à deux reprises. C'est surprenant, parfois déroutant et franchement j'adore ça. Combien de livres ouvre-t-on et lit-on sans ce petit truc en plus qui surprend, qui titille, qui lutine la zone de confort sise dans le cerveau en lui disant qu'il faut se bouger un peu ? Même si je tente de lire régulièrement ce genre d'ouvrages, parfois ça marche, parfois ça marche pas. Là, ça marche formidablement.

J'ai parfois pensé à Tentative d'épuisement d'un lieu parisien de Perec, Paris en moins, parc en sus, dans la description du rien, toute comparaison gardée, mais plaisir de lecture comparable :

"un homme passe avec des chiens puis un chien

avec un homme puis un mec avec un

sac plastique puis un type qui court bras

et buste tendus vers le sol comme s'il

allait faire une roulade avant mais non

et d'un esprit plus aventureux que les

quatre femmes évoquées hier quoique

guère plus rapide il quitte le parc pour

le vaste monde et après lui c'est tout pour

l'activité si nous faisons fi des pies" (p.72)

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