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L.A. pour les intimes

Publié le par Yv

L.A. pour les intimes, David Guinard, Librinova, 2015...

2002, David Marquan est un détective privé français, installé à Los Angeles depuis dix ans. Trente cinq ans, beau mec, il fuit un passé douloureux en traquant les couples adultères de la belle société de la ville, entre Santa Monica, Beverly Hills, ... son carnet d'adresses ferait pâlir n'importe quel jet-setteur, mais discrétion oblige, David Marquan sait rester muet. Son affaire du moment est celle d'une femme qui soupçonne son mari de la tromper. L'enquête de David le mène très vite sur les pas de Deborah McClure, la femme du gouverneur pressenti pour une candidature à la Présidence, mais le fait également s'intéresser au soi-disant suicide d'une jeune homme l'année d'avant.

Si David Guinard n'invente rien, ne fait pas dans l'originalité, il se sert des codes des détectives américains et les prend à son compte d'assez belle manière. Son David Marquan est un homme désabusé malgré son jeune âge, qui ne croit plus à l'amour et vit en quasi solitaire sauf son ami Bill, flic à la LAPD. Sensible aux charmes féminins, il préfère les aventures d'un soir à un engagement plus long. Assisté de Kelly, sa secrétaire, un rien bimbo en apparence, il mène ses enquêtes qui lui assurent une vie assez confortable. Et puis, un jour, c'est l'affaire qui va réveiller en lui ses blessures et ses limites.

David Guinard m'a contacté par le blog pour que je lise son livre numérique auto-édité : en général, je ne réponds pas, mais, bien élevé, je vais voir de quoi il retourne. Là, j'ai été intrigué par ce que je lisais sur ce bouquin, et gentiment, David Guinard m'a envoyé un exemplaire papier (avis à tous les solliciteurs, je ne lis pas en numérique !). Ma première surprise fut la grosseur de l'ouvrage : 671 pages ! Après ma lecture, je peux dire que ce polar ne souffre que de quelques longueurs, assez peu finalement compte tenu de son épaisseur, quelques pages sur une filature un peu longue, que l'on peut survoler rapidement. Ma deuxième surprise fut la qualité de l'écriture, assez stylée, pas forcément ce que l'on trouve dans les polars : "Je tentai cependant de refroidir mon empressement, connaissant ma propension à l'affabulation et à la paranoïa ; j'étais capable de m'inventer un univers qui expliquât, dans sa logique propre, les événements dont j'étais le témoin, selon toute évidence, involontaire, voire qui justifiât ma présence dans l'affaire. J'étais incorrigible." (p.113). L'auteur cherche le mot juste, pas forcément le plus courant, mais celui qui sera à la fois le plus adapté et le plus beau. Son récit au passé lui impose aussi pas mal de tournures avec le subjonctif imparfait, qui donne une impression de "littérature", d'efforts pour écrire bien. J'aime bien, ça donne un une belle allure au roman, mais parfois D. Guinard tombe dans l'excès et quelques tournures de verbes, même correctes ne sont pas très belles à lire, voire alourdissent franchement le texte ; il y aurait sûrement des manières de les contourner.

Pas mal de digressions très bien senties également, sur la politique et le cynisme des hommes qui la font, qui préfèrent aller dans le sens de l'opinion pour être élus plutôt que là où les mèneraient leurs convictions, sur la vie aux États-Unis, la société du pays qui n'aime pas que l'on ne soit pas dans la norme, sur le suicide, ... A ce dernier propos, j'aime bien la citation suivante qui parle d'une manière de se supprimer en se jetant d'un haut étage : "Le grand saut était sans doute le plus enivrant, parce qu'il s'accompagnait d'un sentiment d'extase ; avoir l'impression de voler et de goûter à une liberté absolue, qui nous était interdite tant que l'on restait accroché à la vie. Mais j'avais trop peur de me rendre compte, une fois en suspension dans l'air, que j'étais encore capable d'éprouver du bonheur dans ce monde-ci et que c'était peut-être une erreur de le quitter. Je me demandais s'il y avait quoi que ce fût de pire que le remords dans la conscience d'un suicidé." (p. 229)

Pour conclure, ce fut une belle surprise que ce polar étasunien écrit par un jeune Français, qui ne m'a pas laissé en paix jusqu'à son dénouement malgré son épaisseur. Un rien académique sans doute, David Guinard gagnera à prendre plus de libertés avec ses personnages et même avec son écriture, mais en attendant, son roman est plein de promesses. Vous voulez vous faire une idée, allez sur le site Librinova, il est en vente (peu cher) en lecture numérique.

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E
J'ai beaucoup aimé les références au cinéma, politique etc... J'ai été gênée par le trop de subjonctif aussi, je ne l'ai pas mis dans mon article mais dans un mail à son attention (je pensais que cela venait de moi !)
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Y
L'ensemble est bien, mais le subjonctif est nettement de trop et ça ne vient pas de toi uniquement
V
contente de savoir que tu as aimé aussi. J'ai beaucoup pensé à L'appel du coucou de Rowling (enfin, Galbraith) . même topo : un détective privé et sa jolie secrétaire... Je suis bon public pour ce genre d'histoires! Comme toi, j'ai demandé la version papier.
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A
Par flemme, j'attendrais sans doute son second roman, qui sera parfait, je n'en doute pas.
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Y
Sans aucun doute
K
Je suis moins enthousiaste mais moi aussi j'ai apprécié l'emploi du subjonctif imparfait. Ce qui l'a le plus gêné c'est l'inégalité du style, il y a parfois de bonnes choses, bien écrites, et parfois c'est très lourd. Et puis, beaucoup trop de digressions à mon sens... Mais globalement, je ne me suis pas ennuyée...
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Y
Je n'ai pas trop soufferts des digressions, ce qui m'a étonné parce que je n'aime pas les pavés, alors presque 700 pages... par contre tu as raison, le style est assez inégal
K
Je connais ton goût (que je partage) pour l'imparfait du subjonctif (même si point trop n'en faut)
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Y
A chaque fois que je tombe sur un texte avec ce genre de conjugaisons, je pense forcément à toi. J'ai pu dire à l'auteur qu'il avait un poussé le bouchon un peu loin et il m'a dit qu'il se relirait et corrigerait, sincèrement, je pense qu'alléger un peu ces tournures allègera le texte