Sur les nerfs
Sur les nerfs, Larry Fondation, Fayard noir, 2012
Ce livre est un recueil de nouvelles très courtes pour certaines, qui ont toutes en commun de se dérouler aux États-Unis, dans des ghettos, des quartiers laissés à l'abandon, squattés ou habités par des gens pauvres, des truands, des dealers, des junkies. C'est noir, terriblement noir. Parfois une petite lumière qui pourrait illuminer ce noir, mais assez rarement. Appelons cela le destin, le "pas-de-bol", la malchance d'être né de ce côté de la barrière : pauvre dans un pays riche, le petit coup de pouce qui fait sombrer dans la drogue et les ennuis, ou tout autre terme, mais le fait est que les situations que décrit Larry Fondation sont malheureusement crédibles, et c'est ce qui les rend encore plus tragiques, plus terrifiantes.
Larry Fondation emploie un mode elliptique, rapide, haché. Certaines nouvelles déconcertent, on ne suit plus vraiment, mais la chute est là, souvent qui remet tout en place.
"II. Dormir par terre au Lavomatique. Pas d'employé pour te foutre dehors.
III. Aide sociale et centre de grossesse
Une assistante sociale : "pourquoi est-ce que tu t'es laissée mettre en cloque si jeune ?" (Emphase : "laissée".) [...]
V. Biens personnels à protéger
boîte de Coca biberon papier toilette parfumé
station-service lessive désodorisant
ouvre-boîte électrique cigarettes déodorant
cran d'arrêt pistolet cyanure" (p.41/42)
D'autres sont plus linéaires. Il y en a pour tous les goûts, à condition quand même d'aimer le noir.
"Il reste là, sur les escaliers, alors quelle lui a dit de se cacher.
- Ils te cherchent.
- Qu'ils viennent.
- C'est de ma faute.
- Qu'ils viennent, il répète.
Il fait nuit, mais encore chaud, et les rues sont pleines d'enfants qui jouent, de mecs au coin de la rue qui boivent de la bière, et de femmes qui se baladent en short et en sandales." (p.29)
Larry Fondation est médiateur de quartier à Los Angeles et doit donc savoir de quoi il parle lorsqu'il évoque la vie à l'intérieur de ces quartiers : il ne fait pas de concessions et ne se censure pas, certains passages sont assez durs, violents. On ressort de ce livre un peu étourdi, étonné et effrayé de ce qui peut se passer dans les cités, dans les squats, dans les rues mal famées, même si ce sont des choses qu'on voit parfois à la télé. Mais la littérature est plus forte en imaginaire et chacun se fait ses propres images de ce qu'il lit alors que la télévision nous impose les codes qu'elle veut bien : c'est particulièrement visible lorsqu'on regarde comment deux chaînes peuvent traiter différemment une même information.
Je n'ai pas tout aimé dans ce recueil, certaines nouvelles m'ont laissé dubitatif, parce que parfois trop déstructurées, trop elliptiques mais dans l'ensemble je suis plutôt positif et curieux de ce que pourrait faire Larry Fondation en musclant un peu ses personnages, en les développant et en les mettant dans un roman... Noir évidemment.
Merci Lilas