La commissaire n'aime point les vers
La commissaire n'aime point les vers, Georges Flipo, Ed. La table ronde, 2010
Ce vendredi 18 janvier, le lieutenant Monot , de la 3ème DPJ prend la déposition d'un témoin dans l'agression d'un SDF. Ce SDF, ancien professeur de lettres, amateur de Victor Hugo a poussé sa passion hugolienne jusqu'à lui ressembler trait pour trait. Si l'on ajoute à cela sa manie de déclamer les vers du grand poète, on comprendra pourquoi les habitants du quartier et ses compagnons de la rue l'appellent Victor Hugo. Dans sa sacoche, la commissaire Viviane Lancier, chef de la 3ème DPJ découvre un sonnet que Monot, fin lettré pense être de Baudelaire. Commence alors une enquête dont la commissaire ne veut pas, mais qu'on lui impose. Des agressions et même des meurtres toutes liées au fameux sonnet émaillent le récit et la progression de l'enquête.
Un roman policier littéraire ? Vous en réviez, Georges Flipo l'a fait ! Un vrai régal de lecture pour qui aime l'un des genres ou les deux réunis. Un mort qui se prend pour Victor Hugo, un lieutenant de police connaisseur de Baudelaire, l'Académie Française en cause dans un assassinat et beaucoup de références littéraires, on sent que l'auteur s'est fait plaisir sans jamais devenir pédant.
En changeant de style et en abordant l'écriture d'un roman policier -même si sa bibliographie fait apparaître des écrits policiers pour une émission de radio-, Georges Flipo ne laisse pas de côté ce que j'aime bien chez lui : une vraie maîtrise de son sujet et une vraie écriture. Pour le premier point, on sent qu'il s'est documenté sur les procédures judiciaires, sur le fonctionnement d'une DPJ. Il reste aussi fidèle à sa critique féroce et probablement réelle -et tellement savoureuse- du monde de la télé, des gens qui y travaillent ou gravitent autour et de son pouvoir d'attirance extrêmement fort envers nous, simples citoyens ; le "vu à la télé" étant de nos jours une marque de "qualité".
Pour le second point, Georges Flipo use d'un vocabulaire à la fois riche et simple, varié, dans un style personnel assez reconnaissable. J'ai beaucoup ri lors de cette enquête -un peu comme dans certains romans policiers d'Exbrayat- La confrontation entre la commissaire qui "n'aime point les vers" et son adjoint, le lieutenant Monot féru de littérature est fine et délectable. J'ai lu et pris du plaisir, beaucoup plus pour l'ambiance et les personnages que pour l'enquête, même si celle-ci n'a rien à envier à d'autres polars. Mais bon, on est loin d'un thriller étasunien sanglant, avec des rebondissements toutes les deux pages. Et c'est tant mieux ! On peut regretter que la commissaire soit un peu trop embarrassée de ses problèmes personnels (rupture amoureuse proche et douloureuse, et quelques kilos en trop) et qu'elle néglige un peu son enquête : elle a parfois l'air d'une débutante, mais je pardonne aisément. Et non seulement je lui pardonne, mais en plus, étant donné qu'elle est bien partie pour faire d'autres enquêtes (La commissaire n'a point l'esprit club est prévu pour 2011), j'attendrai avec une certaine impatience de replonger dans cette atmosphère policière "flipoenne". Que l'auteur veuille bien m'excuser ce néologisme !
Merci à Nadine Straub des éditions La Table Ronde pour cet envoi.