Délivrance
Délivrance, Jussi Adler-Olsen, Albin Michel, 2013 (traduit par Caroline Berg)
Une bouteille à la mer. Retrouvée en Écosse. Elle atterrit sur le bureau de Carl Morck, responsable du Département V de la police de Copenhague, chargé d'enquêter sur de vieilles affaires non classées. Très vite, Carl et son équipe (Carl, Assad et Rose) comprennent que cette lettre émane d'un jeune garçon probablement enlevé avec son frère des années plus tôt au Danemark. Commence alors un travail de fourmi pour savoir qui sont les enfants enlevés et non signalés comme tels et bien sûr qui est le kidnappeur.
En ouvrant un livre de Jussi Adler-Olsen concernant cette équipe du Département V, je me demande toujours le dossier qui en sera la clef de voûte finira sa course sur le bureau de Carl Morck. Par hasard, comme dans Miséricorde ? Par "piston", comme dans Profanation ? Eh bien, ici, c'est le moyen le plus vieux, le plus élémentaire voire enfantin : une bouteille à la mer ! Un bout de papier dans une bouteille, un message écrit avec du sang, celui d'un enfant ! Et voilà que l'auteur construit son gros polar (665 pages tout de même !) et déroule son histoire, sans longueurs, sans que le lecteur à un moment ou un autre ne se sente perdu.
En débutant ma recension, je me demandais comment l'écrire. J'ai été conquis par le premier tome, enthousiaste sur le deuxième, comment serais-je pour ce troisième ? Au risque de faire des déçus, je suis encore un cran au-dessus. Rien à dire de plus que : j'adore ! Voilà, je peux remballer, et vous vous précipiter sur cette série. Là où je suis très inquiet, c'est que le cinquième tome va prochainement paraître au Danemark et que les aventures du Département V devraient compter onze volumes ! Il va falloir être très bon pour tenir le rythme et tenter de dire tout le bien des prochaines parutions (si tant est qu'elles soient bonnes, mais j'ai bon espoir) sans se répéter.
Pour Délivrance, rien ne change mais ce n'est absolument pas la même histoire. Rien ne change car on retrouve Carl, Assad et Rose et leurs rapports parfois compliqués. Carl n'est toujours pas motivé par son boulot : il ne pense qu'à faire des siestes : "Encore une histoire qui va m'empêcher de poser mes jambes sur la table et de faire la sieste, songea Carl tandis qu'il redescendait l'escalier en soupesant le carton. Quoique. Un petit roupillon d'une heure ou deux n'allait pas détériorer les relations dano-écossaises." (p.42)
Malgré tout les personnages évoluent, Assad ne dévoile toujours rien de sa vie, et Carl a des doutes quant à son passé en Syrie et même son présent au Danemark. Rose, elle se fâche et envoie Yrsa, sa jumelle la remplacer, ce qui n'est pas forcément pour faire plaisir à Carl. On se demande parfois qui de Carl, Yrsa ou Assad est le plus efficace ; si l'on reconnaît un grand patron à sa capacité de déléguer et de synthétiser alors Carl en est un ! Cossard avéré, mais bien entouré, qui plus est par deux personnes qui ne sont pas des policiers, Carl finit toujours par retrouver cette petite étincelle qui le propulse et ne le fera plus lâcher son enquête quoiqu'il lui en coûte.
Parallèlement, on suit le kidnappeur, mais aussi ses nouvelles victimes, sa femme ; beaucoup de personnages mais tout est bien classé et je ne me suis pas perdu, malgré des noms de personnes et de lieux pas toujours faciles à retenir. Le danois n'est pas une langue facile ! L'intrigue tient la route et en haleine jusqu'au bout. Totalement maîtrisée, menée grand train sur la fin, on ne s'y ennuie pas une seule seconde. En outre, Jussi Adler-Olsen a la bonne idée de ne pas faire de ses personnages des gens aigris, blasés. Il y a beaucoup d'humour, apporté soit par des éléments totalement inattendus, comme ces mouches vertes qui volent dans le bureau et qui fascinent Carl, soit par Assad et Rose ou Yrsa. Lorsque celle-ci lui fait part du résultat de ses recherches par exemple en les racontant par le menu et que Carl ne s'intéresse qu'au résultat :
" Carl se redressa dans son fauteuil. "Vraiment ?". Elle le fixa d'un air mutin. "Ah, on commence à se réveiller, mon petit monsieur". Elle tapota affectueusement le bras poilu de Carl. "Et on aimerait bien en savoir plus, maintenant." Il n'en croyait pas ses oreilles. Lui, qui avait participé au long de sa carrière à plusieurs centaines d'enquêtes plus compliquées les unes que les autres se retrouvait à jouer aux devinettes avec une intérimaire en collant vert pomme." (p.163)
Excellent polar qui a en son sein tout ce que j'aime : des personnages vraiment intéressants et bien décrits, de belles intrigues, de l'humour et même malgré les thèmes abordés souvent lourds, de la légèreté. Incontournable ! Indispensable ! Inévitable !
Tout plein de critiques sur Babelio.
Merci Carol