40 hommes et 12 fusils
40 hommes et 12 fusils. Indochine 1954, Marcelino Truong, Denoël Graphic, 2022
1953, Hà Nôi, Minh est un jeune homme, artiste peintre, qui vit des subsides de ses parents propriétaires terriens puisqu'il ne vend pratiquement pas de tableaux. Il aime Lan qui lui sert parfois de modèle. Le pays est partagé en deux, le nord (dont Diên Biên Phu) sous contrôle Viêt-Minh (République Démocratique du Viêt-Nam) et le sud (dont Hà Nôi) sous contrôle des Français. Lorsque Minh reçoit son ordre d'incorporation dans l'armée nationale, celle qui combat auprès des Français, il est abasourdi. Son père a obtenu une année de sursis et l'envoie gérer leurs terres en province. Le voyage ne se déroule pas comme prévu et Minh est contraint, pour sauver sa vie, de s'engager dans l'armée communiste qui lutte pour la réunification et l'indépendance du pays.
Gros roman graphique de Marcelino Truong qui se déroule pendant la guerre d'Indochine. J'aime beaucoup le dessin dans des tons grisés avec quelques rares touches de couleur, puis, parfois de grandes pages très colorées sur les paysages vietnamiens ou des actes forts. L'histoire n'est pas en reste avec Minh, jeune homme peu sensible à la propagande, qui ne peut la critiquer frontalement sous peine des pires sanctions, mais qui n'en pense pas moins. Il y travaillera pourtant sous les ordres d'un Français communiste qui s'est rallié : "Ici, tu travailles pour la propagande, mon vieux ! Tu n'es pas là pour INFORMER le peuple, mais pour le FORMER !" (p.175). Malgré son peu d'enthousiasme, il devient un soldat aguerri qui témoigne de l'asservissement du peuple, de son endoctrinement, mais aussi de sa volonté de chasser le colonisateur. Il montre les hommes au combat et aussi les femmes qui luttent, qui transportent les blessés, le matériel, sûres d'être reniées à la fin de la guerre considérées comme souillées au contact des soldats.
En France, si l'on parle un peu de la guerre d'Algérie, je n'ai pas vu beaucoup d’œuvres sur la guerre d'Indochine, sans doute l'humiliante défaite de Diên Biên Phu n'est-elle pas évidente à raconter. Ce roman graphique l'aborde, du côté des indépendantistes, ce qui permet de mieux comprendre le pays et ses habitants lassés par les Français mais pas certains de gagner au change avec un régime soutenu par la très autoritaire URSS. Très belle découverte tant dans le fond que la forme.
PS : quelques erreurs se sont glissées dans mon texte que l'auteur, Marcelino Truong a aimablement corrigées dans un commentaire ci-dessous qu'il est intéressant et instructif de lire, en plus de son roman graphique.