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Ambernave

Publié le par Yv

Ambernave, Jean-Hughes Oppel, Payot&Rivages, 1995

Ambernave, ville portuaire, il y a des dockers et Émile, un ancien unijambiste, alcoolique et misanthrope. Il rencontre Johé, un colosse mutique accompagné d'un chiot. Affamés, tous les deux. Émile les recueille, les nourrit et se prend d'amitié.

Ambernave, il y a aussi le croque-mitaine, surnommé ainsi par la presse. Un tueur en série qui sévit dans les quartiers du port. Il y a donc des flics, Lombard et Brison, des patrouilleurs. Un duo qui pourrait bien être celui qui connaît le mieux le tueur.

Il y a aussi M. Wong, mafieux local, qu’Émile renseigne, se faisant quelques billets supplémentaires pour finir le mois lorsque la pension d'invalidité ne suffit pas.

Le roman débute ainsi :

"Dans le port d'Ambernave, il y a des marins, ce qui en soi n'a rien d'étonnant.

Dans le port d'Ambernave, il y a des marins qui ne chantent pas, parce que le cœur n'y est plus. Parce qu'il n'ont plus de rêves. Ce qui les hante, c'est la fermeture totale des chantiers navals, le chômage, la mise au rancart. La crise." (p.9) Et Jean-Hughes Oppel continue ainsi son prologue pendant quatre pages. Quatre pages qui font venir les images et la musique et la voix de Brel. Ensemble qui ne nous quitte plus du livre.

Roman insolite, original. Noir, évidemment. D'une qualité littéraire rare et réjouissante. C'est un festival de bons mots, de belles phrases, bien tournées, bien troussées, de celles qui font s'ébaubir à chaque page, qui donnent au roman une ambiance poisseuse, noire, collante, un truc dont on ne se défait pas. D'aucuns qui dédaignent encore le roman noir parce qu'il n'est pas assez bien, trop populaire peuvent sans risque ouvrir celui-ci qui les réconciliera avec le genre.

"La véritable nature de sa bienveillance [celle de la mère maquerelle] à l'égard de l'ancien docker est plus subtile et lui échappe complètement. C'est un alibi ; un élan de charité noyé dans le vice. Inconscient, informulé, n'osant pas dire son nom, mais un élan quand même -une bonne action pour brandir à la corbeille du Jugement Dernier. Encore que : s'il y a une chose sur laquelle madame Angèle s'assoit (après son cul), c'est bien la religion." (p.152/153)

Écrit en 1995, découvert en bouquinerie cet été, quel pif j'ai eu de tomber dessus et de ne pas le laisser dans les rayons !

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