Le travailleur de la nuit
Le travailleur de la nuit, Matz et Chemineau, Rue de Sèvres, 2017.....
"Vous savez qui je suis : un révolté, vivant du produit de ses cambriolages. La société ne m'a accordé que trois moyens d'existence, le travail, la mendicité et le vol. Le travail, loin de me répugner, me plaît. Ce qui me répugne c'est suer sang et eau pour l'aumône d'un salaire. La mendicité, c'est l'avilissement, la négation de toute dignité. Tout homme a droit au banquet de la vie." (4ème de couverture). Cet homme qui s'exprime ainsi, c'est Alexandre Marius Jacob 1879-1954), anarchiste, cambrioleur, révolté.
Très belle idée que de consacrer un album de bande dessinée à Alexandre Marius Jacob que personnellement je ne connaissais pas. Sorte d'Arsène Lupin, il se dit même parfois qu'il fut l'inspirateur de Maurice Leblanc, ce que ce dernier nia, mais les ressemblances sont troublantes. Né à Marseille, Alexandre féru de Jules Verne et de récits d'aventures rêve d'embarquer, ce qu'il fera dès l'âge de 11 ans. Il lui faudra une force de caractère peu commune pour résister aux assauts des marins adultes. Déserteur à 13 ans, il sera jugé. Puis de rencontres en rencontres, sa pensée et sa réflexion s'affinent jusqu'aux thèses anarchistes. Empêché de travailler car surveillé de très près par la police, il se tourne vers la cambriole, art qu'il exercera avec talent et organisation.
Très bel album à tous points de vue : dessins de Léonard Chemineau et scénario de Matz. Il a l'énorme avantage de rappeler à notre mémoire ce que fut l'anarchisme à une époque où il était vivement critiqué et combattu. Une page de notre histoire méconnue est présentée ici et c'est une excellente idée. Alexandre Jacob est un type révolté, insoumis dirait-on maintenant, travailleur -il a bossé comme un fou pour devenir officier de marine, puis pharmacien, pour perfectionner ses techniques de cambrioleur, pour étudier le droit au bagne de Cayenne-, avec un sens de l'humour qui plaisait à certains mais déplaisait aux puissants, du charisme...
Une vie hors du commun qui ne pouvait que résonner des années plus tard. Voilà qui est joliment fait dans cet album de Matz et Chemineau.