Ah ! Si j'étais pompiste !
Je voudrais dire ici mon mépris le plus total -c'est le mot- envers tous ceux qui dès que le réservoir de leur putain de bagnole a baissé d'un cran s'empressent à courir la pompe approvisionnée, empêchant donc tous ceux qui ont vraiment besoin de carburant pour travailler de nourrir leur outil de travail. Sans votre empressement aux pompes, nous aurions du stock pour tout le monde pendant plusieurs semaines, au lieu de cela, en deux jours c'est plié, plus rien pour personne, sauf pour vos petites autos d'égoïstes. Naïvement, je pensais que la solidarité était un des piliers de notre société, je pensais même qu'elle avait repris du poil de la bête lorsque les Français sont allés en force manifester un soutien après des attentats. Force est de constater que je me suis trompé, et lourdement. Dès les premières alertes de fermeture des raffineries, le conducteur moyen s'est affolé et a emmené son automobile dans les stations-services, faire la queue des heures pour quelques gouttes qui permettraient de remplir à ras la gueule le réservoir, histoire de faire un ou deux kilomètres de plus que son voisin. Bande de veaux et de moutons ! Et que feront les autres, ceux qui n'ont pas pu, ceux qui n'ont pas eu le temps d'aller faire le plein ? Et ceux qui bossent avec leur voiture, taxis, auto-écoles, artisans entre autres... Chacun sa gueule, chacun sa bagnole et tant pis pour ma voisine ou mon voisin. Bravo la solidarité et l'esprit de partage. Et, n'oubliez pas de remplir vos armoires de farine, de sucre et de boîtes de conserve, on ne sait jamais, dès fois que vous manqueriez...
Je vous crache ici mon mépris d'autant plus volontiers que m'étant petit à petit coupé des actualités, je n'ai appris que vendredi matin, en allant faire mes courses et en voyant une longue file aux pompes à essence, que blocage des raffineries il y avait. Je n'ai pas fait le plein depuis, je ne le ferai que lorsque je n'aurai pas deux plombes à passer dans ma caisse à attendre que les bœufs rajoutent les un ou deux litres qui manquent pour atteindre le ras-bord. Et lorsque je n'aurai plus de carburant eh bien, j'irai à pieds, j'y vais déjà... ou à vélo, ou en transport en commun...
Je serais pompiste, putain, je mettrais le litre de gazole et d'essence à 5 euros, je me ferais des roubignolles en or, et après, je me casserais en vacances loin des cons venus trois ou quatre fois dans la semaine, ou alors, puisque je parle de solidarité, en l'honneur d'iceux -les cons-, je reverserais le surplus à une association de solidarité, ouais, c'est ça, je ferais ça... Mais je ne suis pas pompiste, alors je me contente de vous dire mon mépris et de rêver d'une étincelle, une seule qui mettrait le feu à tous les réservoirs pleins, juste pour le plaisir de voir des belles lumières dans vos bagnoles, ça nous changera, des lumières, elles n'en voient pas souvent !