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Trafiquante

Publié le par Yv

Trafiquante, Eva Maria Staal, Ed. du Masque, 2014 (traduit par Yvonne Pétrequin)....,

Quatorze ans avant d'écrire son histoire, Eva Maria Staal commençait un travail de vendeuse d'armes. Assistante de Jimmy Liu, canadien d'origine chinoise, elle va ainsi arpenter toutes les terres de conflits, de la Tchétchénie au Kosovo en passant par l'Afghanistan ou le Pakistan. Des contrats de plusieurs millions de dollars sont conclus, souvent dangereusement. Suite à une mission plus marquante qu'une autre, Eva arrête. Dix ans plus tard, mariée et mère d'une petite fille Nella, des souvenirs de son ancienne vie la hantent.

Présenté comme une autobiographie, ce livre est un objet absolument étonnant et passionnant. Eva Maria raconte ce que fut son activité professionnelle pendant quelques années, sa très forte amitié pour Jimmy Liu son patron à qui elle ne savait jamais refuser une mission aussi dangereuse soit-elle. Elle écrit des choses terribles, des échanges d'enfants, des conditions de vie insupportables, les villes détruites par les armes qu'elle vend, Grozny par exemple : "Chaque bâtiment a été déchiqueté. Où se trouve la rue Lénine qui donnait sur la place ? Je cherche un point de repère mais je n'arrive même pas à déterminer où se trouve l'est, l'ouest, le nord ou le sud. Tout a été balayé, la ville entière n'est plus qu'un amas de cailloux calcinés. [...] Mon Dieu, Rotterdam pendant la Deuxième Guerre mondiale, c'était Disneyland comparé à tout ce chaos."(p.140/141), ou encore deux pages consacrées à Karachi, une ville gangrenée par la pauvreté, la saleté, les ordures, les rats qui pullulent, ... On peut parfois être choqué, outré par des propos ou des situations insupportables, comme l'est d'ailleurs Eva Maria, mais on subodore que dans la réalité, les choses se passent sans doute comme cela et que la vente d'armes n'est pas un monde dans lequel les bons sentiments prévalent. C'est dur, très dur, mais diablement intéressant de connaître les dessous d'une industrie qui ne fait pas faillite et qui n'est sans doute pas prête à décliner. La crise, oui, mais par pour tous ! 

L'auteure alterne les chapitres concernant son ex-activité et ceux qui concernent sa vie familiale, ce qui nous permet, nous lecteurs, de respirer un peu entre deux missions. En pleine préparation de son déménagement, remuer les cartons fait affluer les souvenirs. Eva Maria Staal n'élude aucun sujet, fait un point précis sur sa vie, réfléchit sur ses actes passés et sa vie actuelle et future : comment dire à sa fille ce qu'elle faisait, comment justifier auprès d'une enfant le fait d'avoir vendu des armes qui ont servi à d'autres enfants, ... ? Une véritable introspection, commencée lorsqu'elle travaillait, laissée en jachère pendant les premières années de sa vie après son arrêt de travailler et qui lui est désormais indispensable. 

Un récit claquant, écrit en phrases directes, courtes souvent. Rapide, violent, efficace et dérangeant. Un de ces bouquins qu'on ne rencontre pas souvent et qui vous scotchent véritablement. Sans doute le fait qu'on le présente comme la vraie vie de l'auteure ajoute-t-il un cran à cette emprise. Je ne sais si c'est la réalité ou une présentation des éditeurs, toujours est-il que cette plongée dans ce monde secret et mystérieux des marchands de canons est passionnante et fort bien documentée. Un livre qui a reçu le Prix de l'Ombre aux Pays-Bas (pays d'origine d'Eva Maria Staal) qui récompense le meilleur roman noir du pays.

 

polars

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A
Le meilleur roman noir des Pays-Bas ? Voilà qui me tente....
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Y
<br /> <br /> Je ne sais pas si c'est le meilleur, je n'ai pas lus les autres, mais le prix ne me paraît pas usurpé<br /> <br /> <br /> <br />
K
J'ouvre grand les yeux, là! Trafiquer des armes! (mais l'état n'en vend-il pas déjà, finalement?)
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Y
<br /> <br /> C'est malheureusement un commerce florissant. Les sommes en jeu sont considérables et pas seulement de lapin, comme disait P. Desproges<br /> <br /> <br /> <br />