Rupture
Rupture, Simon Lelic, Ed. du Masque, 2010
Une fusillade a lieu dans un collège de Londres, tuant cinq personnes : trois élèves et un professeur, la cinquième victime étant le tireur, Samuel Szajkowski, professeur d'histoire dans l'établissement, qui a retourné l'arme contre lui. L'inspectrice Lucia May recueille les déclarations des témoins dans le but d'entériner la version du tueur devenu fou. Mais elle remarque très vite que le drame est beaucoup plus complexe qu'il n'y paraît. Samuel Sjakowski semblait être harcelé par des élèves et par un collègue sans que personne n'intervienne. Lucia décide d'approfondir ses recherches et de continuer l'enquête "malgré la directive de sa hiérarchie : classer l'enquête au plus vite." (4ème de couverture)
Ce livre est un polar : il y a l'inspectrice Lucia May, les circonstances du drame qui génèrent une enquête, mais c'est plus qu'un simple polar, c'est aussi un véritable constat de l'état de délabrement de l'enseignement en Grande-Bretagne, du racisme, de l'individualisme de la société anglaise et du harcèlement dont les plus faibles sont les victimes : "Rupture est un cri de révolte qui dénonce avec originalité une crise de société tristement contemporaine" (4ème de couverture)
Très habilement écrit, les chapitres alternent entre ceux qui mettent en avant les doutes, les interrogations et les décisions de Lucia May, elle-même en proie au harcèlement d'un collègue particulièrement odieux, et ceux qui relatent les dépositions des témoins. Ces chapitres rapportent les dires des témoins, bruts, sans interruption ; petit à petit, le lecteur comprend l'espèce de machination ou de silence énorme et assourdissant qui règne sur le collège et sur la société londonienne qui préfère cacher ce qui ne va pas plutôt que de le montrer.
Énervant à plus d'un titre, parce qu'on a très envie d'entrer dans le livre et d'aller dire franchement à certains personnages ce qu'ils sont réellement, des pleutres, des monstres, de véritables beaufs machos, et pour certains des assassins passifs. Elle est gentille Lucia et on meurt d'envie d'aller l'aider lorsqu'elle flanche, et je ne dis pas cela parce que c'est une bombe puisque l'auteur ne la décrit que très peu ; c'est d'ailleurs le personnage important du livre qui est le moins décrit physiquement. Étonnant puisque l'histoire tourne autour d'elle, mais par contre, on en sait pas mal sur son caractère et ses tourments : une enquêtrice qui mériterait de revenir dans d'autres livres de Simon Lelic !
Un bouquin très maîtrisé, qui fonde son suspense sur les relations humaines, et qui est écrit dans un style rapide : phrases courtes allant à l'essentiel (traduction : Christophe Mercier).
Vous aimez les polars qui ont du fond ? Ce livre est donc pour vous !
Je remercie vivement Anne Blondat des éditions Lattès.
Ankya a beaucoup aimé aussi.