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Le Boss de Boulogne

Publié le par Yv

Le Boss de Boulogne, Johann Zarca, Ed. Don Quichotte, 2014...,

Le Boss monte tranquille son taff de dealer d'herbe. Il sort de la cité, s'installe au bois de Boulogne et devient le dealer officiel des transsexuel(le)s, des prostitué(e)s, enfin de tous les travailleurs du sexe. Son bizness explose, il crée une bande la BDB-Crew qui règne en maître sur toutes les drogues du bois. Justice sommaire, surveillance du territoire, échapper aux flics est le quotidien des nuits de BDB-Crew. Une nuit, Paola, un trans brésilien se fait massacrer. Paola, c'était une star du bois et une bonne cliente du Boss ; puis c'est au tour de Noy, trans thaïlandais de se faire assassiner : les flics grouillent à la recherche du tueur, ce n'est pas bon pour les affaires du Boss qui met son équipe à la surveillance du bois et à la recherche de tous les suspects potentiels.

Ce roman est une confession du Boss, et le moins que je puisse dire c'est que c'est une expérience assez éloignée de mes lectures habituelles. La langue du Boss est mâtinée de français, de verlan, d'argot, de grossièreté, de langage manouche et rebeu : un mélange qui peut dérouter. Je n'en ai sans doute pas capté toutes les subtilités, mais le pli pris, le rythme est là, implacable qui rend accro jusqu'au bout. Si vous avez déjà lu San-Antonio, vous ne serez pas totalement dépaysé : on ne comprend pas tous les mots individuellement, mais l'ensemble de la phrase est imagé certes,  mais très clair. La comparaison s'arrête ici, car le texte de J. Zarca est plus trash, direct et ancré dans la réalité. Je ne connais pas le bois de Boulogne, mais j'imagine assez bien que les descriptions que J. Zarca en fait sont proches de ce qui s'y passe vraiment. "Le bois de Boubou. La cour des vices. Le deuxième Brésil. Le terre-terre des chlagues. Le coupe-gorge aussi. Glauque. Hardcore. Trash. Tout le monde connaît le bois de Boulogne ou en a déjà entendu parler. Sans sa nuit, le Bois n'est rien. Sans sa nuit, on n'en parlerait pas. Vite fait du jardin d'Acclimatation, et encore. " (p.43) 

La nuit, le Bois est évidemment le lieu de travail de prostitué(e)s, transsexuel(le)s, le lieu vers lequel converge une population hétéroclite : entre des bourges qui viennent se payer un moment inavouable avec des michetons, des drogués qui viennent chercher leur came, des hommes en manque de sexe qui, en lâchant vingt ou trente euros repartent plus légers, ... C'est aussi un endroit où certains ne tapinent que pour se payer leur drogue, de véritables épaves parfois : "Lafiotte, je ne sais pas trop si c'est un trav mal déguisé ou une fofolle, mais je me demande quel foulek peut vouloir taper dedans. Lafiotte, il taille des pipes sans capote pour cinq roros. Il se sape en keum mais il a des veuches hyper-longs qui lui tombent dans le dos et une démarche de racli. Archi-maigre, l'épave se maquille comme une meuf alors qu'il lui reste de la stachemou. Et puis surtout, Lafiotte est crade. Il schlingue à mort." (p.38/39)

C'est forcément un lieu violent, ultra-violent notamment pour celui qui veut garder son bizness qui lui rapporte un max. Car forcément d'autres veulent une part du gâteau, des manouches en particulier avec lesquels les relations vont être expéditives et musclées. La haine et la violence montent crescendo. Et puis, les flics aussi qui patrouillent et enquêtent pour trouver le tueur des trans rendent le marché du Boss moins florissant et plus violent : n'importe qui peut leur balancer des infos sur le trafic du Bois : "Une autre truc me casse les corones quand je réfléchis. C'est le chef des bakeux, l'inspecteur lieutenant commissaire Philippe mes couilles. C'est à moi qu'il est venu parler. Il me connaît et sait que je dirige ce biz. Je me demande si une poucave ne traînerait pas dans le secteur. Ca craint. Il me faut un calibre."(p.53) On se demande même où va s'arrêter cette montée de violence, certaines scènes sont assez terribles à lire, franchement trash, mais je suis sans doute un garçon trop sensible.

Je ne lirai pas ce genre de roman tous les jours, ce n'est pas vraiment mon truc, mais je me dois de dire que j'ai beaucoup aimé l'écriture de Johann Zarca, cette plongée dans un monde sordide qui m'est totalement étranger, celui de la nuit, de la prostitution, des transsexuelles, de la drogue... ça bouscule mes habitudes de lecture et j'adore qu'on vienne les déranger.  Si vous voulez vous faire une petite idée encore plus précise avant de vous lancer dans cette lecture que je vous recommande, sachez que l'auteur a un blog : Le mec de l'underground.

 

polars

Commenter cet article
A
Pas envie d'ultra-violence en ce moment....
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Y
<br /> <br /> Alors oublie ce livre un moment<br /> <br /> <br /> <br />
V
ce n'est pas mon genre non plus...
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Y
<br /> <br /> Comme quoi, changer de genre quelques fois, ça ne fait pas de mal<br /> <br /> <br /> <br />
Z
certainement un livre à lire. Je le note si je le trouve un jour ou l'autre.
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Y
<br /> <br /> Une lecture qui change de la production habituelle<br /> <br /> <br /> <br />
G
Je n'ai pas envie de le lire pour le moment mais je suis d'accord avec toi : c'est bien que des livres comme celui-là paraissent, qui bousculent un peu la langue, et le lecteur! Il y a alors entre<br /> les lignes une vitalité que d'autres livres - écrits académiquement dirons-nous - n'ont pas.
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Y
<br /> <br /> Je l'ai reçu en SP, comme cela, parce que l'attachée de presse connaît mes goûts (même si elle avait ajouté une note avec un doute potentiel sur le fait que je puisse aimer)  : c'est tout à<br /> fait le genre de livres que je ne prendrai pas comme cela dans un rayon mais que je ne regrette absolument pas d'avoir lu pour les raisons que tu évoques : la vitalité et l'anticonformisme de<br /> l'écriture, même si j'aime beaucoup le beau français châtié et les belles phrases<br /> <br /> <br /> <br />