L'écologie en bas de chez moi
L'écologie en bas de chez moi, Iegor Gran, P.O.L, 2011
Tout commence par un tract affiché sur le tableau des informations de l'immeuble dans lequel Iegor Gran habite ; il y est écrit : "Ne manquez pas ! Le 5 juin, projection du film Home de Yann Arthus-Bertrand, sur France 2. Nous avons tous une responsabilité à l'égard de la planète. Ensemble, nous pouvons faire la différence." (p.10) Iegor a du mal. Il a du mal qu'on lui impose sa façon de faire et de penser. C'est pour lui le début d'une colère et d'une rébellion qui se traduit par ce pamphlet anti développement durable.
Soyons clairs et francs : je suis écolo, ne m'en cache pas et n'en ai pas honte, mais n'en tire aucune gloire et ne fais pas de prosélytisme. C'est donc à la fois intrigué et amusé que je vois arriver ce livre dans ma boîte à lettres, sélection du Prix des Lecteurs de l'Express.
Ça commence très fort et très drôlement : "Les voisins, il faut les aimer. Les voisins sont toujours bienveillants, valeureux et civiques. Et je ne dis rien de leur beauté -cette force intérieure qui rayonne, ce sens du tact, cette poésie ! Mieux qu'une voyante, ils savent ce dont on a besoin. Mieux qu'un docteur, ils soignent nos égoïsmes. Ils sont vigilance. Ils sont probité." (p.9) C'est un pamphlet = "petit écrit au ton polémique, violent et agressif" (merci Larousse) que je peux compléter avec la définition de Wikipédia qui mérite bien sûr prudence : "Le caractère explosif du pamphlet tient du fait que l'auteur à l'impression de détenir à lui seul la vérité." qui parfois colle assez bien au ressenti que j'ai eu du texte de Iegor Gran. Il est donc très excessif, notamment lorsqu'il compare le travail d'Arthus-Bertrand -pour qui je n'ai pas une admiration sans borne- au travail de Leni Rienfenthal et si l'on pousse un peu son raisonnement, on pourrait comparer le développement durable imposé au nazisme ! C'est ce qui me gêne dans ce récit : l'excès de critique tue la critique, la décrédibilise. Le côté un chouïa "donneur de leçons" me met mal à l'aise. C'est d'ailleurs fort dommage, parce que Iegor Gran aborde des points très intéressants souvent passés à la trappe pour cause de politiquement correct. Les riches du nord se donnant bonne conscience en demandant aux pauvres du sud de ne pas trop consommer, de ne pas atteindre leur consommation, les reports des sommets de la terre de Rio, à Tokyo et à Copenhague, ... Évidemment lorsqu'il parle des entreprises qui peuvent arborer un logo développement durable, adoubées qu'elles sont par le WWF parce qu'elles mettent la main à la poche et qu'elles subventionnent l'association, je ne peux qu'approuver son dégoût. Pourquoi et comment un constructeur de voitures peut-il dire faire des voitures propres ? Comment GDF ou Areva peuvent-il faire de la pub sur le développement durable ? A peine finie ma lecture, je me suis rendu compte qu'effectivement le développement durable était mis à toutes les sauces, partout, par tous et pour tous : des affiches placardées sur les panneaux, les publicités dans nos boîtes, à la télévision, ... Pour les réticents, les sceptiques, c'est l'overdose !
Suffisamment de mauvaise foi et politiquement incorrect pour que j'aime l'idée de départ. Mais la critique parfois trop facile et pas assez fine -voire vulgaire-, l'humour qui cède souvent la place à une colère et à des arguments spécieux -comme lorsque Iegor Gran dit "Éteindre la lumière quand on sort, isoler les bâtiments, réduire les achats inutiles. Tout le monde le fait, s'efforce de le faire." (p.92)- font que ce récit ne me convainc pas, malgré une partie des propos à laquelle j'adhère totalement.