Jane Eyrotica
Jane Eyrotica, Charlotte Brönte et Karena Rose, MA Éditions, 2013 (traduit par Madame Lesbazeilles Souvestre et Lucie Clarance)
Jane Eyre est une jeune orpheline élevée par sa tante qui ne l'aime pas. Elle la traite plus comme une servante que comme sa nièce. Elle est sous la coupe sexuelle de son cousin John qui la maltraite. Envoyée à l'Institut Lowood qui recueille des orphelines, Jane y vit misérablement les premières années ; elle s'y fait une amie Helen et un ami Jack avec qui elle aura une aventure. A la fin de ses études, elle devient professeure, puis gouvernante au manoir de Thornfield. Elle ne reste pas insensible au charme du propriétaire du manoir, M. Rochester.
Karena Rose reprend le texte de Charlotte Brönte (traduit par Madame Lesbazeilles Souvestre), coupe des passages ici où là, jugés par elle sans doute trop longs ou inutiles et y glisse ses propres mots, des scènes de sexe très claires mais point trop chaudes. Je ne connais pas Jane Eyre, ne l'ai jamais lu ni vu malgré les multiples adaptations cinématographiques et ne suis pas très tenté. Lorsque j'ai reçu ce livre par Gilles Paris, je me suis d'abord dit que je ne le lirai pas, puis piqué par la curiosité (et sans doute alléché pas la future lecture de scènes osées) j'ai franchi le pas.
Je ne peux pas dire que je me suis ennuyé, certes non, mais je ne vois pas trop l'intérêt de réécrire un classique de la littérature en y ajoutant des scènes sexuelles. Sans doute dans l'oeuvre originale y-a-t-il de la sensualité, une tension sexuelle palpable, mais ce qui est suggéré est souvent plus fort que ce qui est décrit. A part surfer sur la vague du "porno soft" (ce dont l'éditeur ne se cache d'ailleurs pas dans le dossier de presse : "Jane Eyrotica une version en corset des débordements sexuels de Cinquante Nuances de Grey"), je ne vois pas l'intérêt d'un tel travail. Dès lors pourquoi pas Les trois Mousse-queue-taires en version érotique (dans les quatre, on doit bien pouvoir faire un couple gay, ce serait pile dans l'air du temps. Pas D'Artagnan, il est pris avec Constance ! Ou alors, il est bi), ou Porn-Dame de Paris, avec Esmeralda en amoureuse un brin nympho et Quasimodo en queutard fini ? Pouf, pouf, désolé, je m'emporte un peu, mais au fond, peut-être n'est-ce pas si sot, une belle et nouvelle façon de lire et faire lire les classiques, parfois rébarbatifs. A quand l'étude au lycée de Les fleurs du mâle (ou L'effleure du mâle) et au collège de Le capitaine Fracasse (même pas besoin d'adapter le titre, merci Théophile Gautier) ? Ici, chacun pourra à sa guise ajouter les titres de ses classiques préférés à la sauce -si je puis me permettre- érotique.
Ne connaissant pas Jane Eyre, l'oeuvre originelle, je ne sais pas si elle est beaucoup transformée ou pas, elle doit l'être un peu dans l'âge de l'héroïne puisque dans le livre de C. Brönte elle arrive à l'orphelinat à 10 ans (je me suis un peu renseigné quand même) et que dans celui de K. Rose, elle a seize ans et a déjà eu des relations sexuelles avec son cousin. Elle doit l'être aussi dans le fond de l'histoire car je ne suis pas sûr qu'à l'époque, coucher avec son cousin, avec le jardinier (sauf peut-être Lady Chaterley) ou avec un encore-inconnu était preuve d'une bonne éducation. J'ai quand même l'impression que la nouvelle version remplace aisément la sensualité et le désir en passages à l'actes faciles, ce qui enlève du charme des (longs, parfois très longs) préliminaires à l'amour du XIXe. Et puis, pour enfoncer le clou, les scènes chaudes (pas si nombreuses qu'espéré, que cela) si elles sont plus explicites que celles des nuances de Grey (ce que j'ai pu en lire dans la presse ou ailleurs me faisait mal de pauvreté de style, d'invention littéraire et de platitude) ne sont pas non plus à absolument ne pas mettre entre toutes les mains, cependant vous aurez soin d'éviter celles, innocentes des petits.