Flora des Embruns
Flora des Embruns, Hervé Jaouen, Presses de la cité, 2012
Un jour, un homme étranger, danois, Hans Rosen, débarque dans un village breton. Il s'installe à l'hôtel, face au café des Embruns. Il l'observe par la fenêtre. Ce café est tenu par Flora. Dix-huit ans auparavant, très belle jeune femme, elle y était serveuse. Fiancée à Vinoc, puis mariée, puis veuve presque aussitôt les noces, la rumeur lui a prêté une aventure extra-conjugale. Malgré les années, Flora n'a rien oublié de son mari disparu en mer et chaque jour, elle prie Notre-Dame des Péris-en-mer.
Deuxième roman d'Hervé Jaouen paru dans la collection Les petits romans noirs que je lis et deuxième très très belle appréciation. Très différent de Le fossé, il prouve tout le talent de l'auteur pour se diversifier et nous raconter des histoires. Là, le livre est plus local, se déroule dans le milieu des marins bretons : des hommes durs au mal, taiseux, courageux qui vivent essentiellement pour leur travail et des femmes vouées à l'attente, à élever les enfants et à faire vivre la famille pendant les longues absences. Flora, au départ, belle jeune fille enjouée devient par les aléas de la vie, une femme renfermée qui se consacre à son café. L'ambiance est lourde, les traditions sont omniprésentes, le pays dur et la rumeur tenace. C'est un village dans lequel tout le monde se connaît et les histoires se transmettent de pères en fils et de mères en filles, même celles qui ne sont pas avérées.
Comparaison n'est pas raison, certes, mais ce livre est à rapprocher de ce qui se fait de bien dans le genre roman noir avec ambiance poisseuse, paysage et climat très présents qui ajoutent une pesanteur à l'atmosphère déjà lourde. La Bretagne se prête bien à cette ambiance et Hervé Jaouen qui la connaît bien, la décrit excellemment : elle est à la fois une sorte de personnage secondaire et un contexte de lieu fort et parfois angoissant. Après coup, je me dis que Hervé Jaouen réussit à faire dans son livre ce que font très bien des auteurs étasuniens avec la Louisiane : même ambiance, même rôle des lieux.
Je disais un peu plus haut que H. Jaouen savait se diversifier, car autant dans Le fossé on est dans l'action pure autant là, l'auteur prend le temps de nous décrire les lieux, les personnages et bien sûr les situations, les événements qui les ont menés jusqu'à ce village dans ces conditions. Un tout autre exercice de style, largement réussi.
Je n'en dirai pas plus ; pour une fois, je fais court pour faire plaisir à une partie mon large auditoire -non, je blague- qui me reproche parfois de me laisser aller à des longueurs. Mais je reviendrai avec des articles plus longs, pour satisfaire à l'autre partie de ce large auditoire -je blague toujours, c'est la répétition qui est censée être drôle... et le mot "large" aussi, je me dois d'être totalement honnête- qui me réclame à cors et à cris des billets encore plus longs. Fichtre, que c'est dur de faire plaisir à tous !
Oncle Paul et Claude le Nocher sont sur le coup eux aussi.