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Esprit de famille

Publié le par Yv

Esprit de famille, Ellen Guillemain, Flamant noir, 2014....,

A l'enterrement de Jean, est réunie toute sa famille, sa femme, Séverine, très belle femme froide, ses enfants : Sophie femme d'affaires accomplie qui ne jure que par la réussite sociale et professionnelle, Marco autiste et Milène dite Nouche la benjamine, trentenaire qui vit plus ou moins avec Samy dealer et petit gangster notoire ; Seda est là aussi, la dernière compagne de Jean, une Cambodgienne. Toute cette belle famille, riche se déchire le jour du passage chez le notaire. Il faudra bien des épreuves et la révélation d'un secret de famille bien caché pour tenter de reconstruire des liens, mais n'est-il pas déjà trop tard ? 

Sur le thème assez classique du secret de famille qui déchire les uns, rapproche les autres et finit par tout détruire lorsqu'il est connu, Ellen Guillemain tire son épingle du jeu. Parce qu'elle a une bonne idée de construction de son roman : elle alterne les points de vue dans les chapitres. Chaque personnage que l'on rencontre dans cette histoire intervient à un moment. Une galerie riche et dense, on se plaît même à penser que chacun aurait pu être un héros de sa propre histoire tellement tous sont présents et bien décrits avec un passé et un présent voire un avenir forts. Un roman avec Seda, pourquoi pas ? On la quitte avec des questions qui si elles ne nous laissent pas sur notre faim pourraient tout à fait faire l'objet d'un roman à part entière. Pareil pour Séverine, qui cache beaucoup de sa personnalité sous une froideur qui lui pèse, et idem pour Samy, Nouche, Marco et Sophie pour ne parler que d'eux. C'est dire si Ellen Guillemain a su dresser les portraits de personnages complexes et humains avec leurs parts d'ombre et de lumière. Bien vu en plus, le chapitre dans lequel Marco est le narrateur et qui change de style littéraire s'adaptant à son handicap : "Quand j'ai demandé à Sophie où était Papa, elle a pleuré et je me suis dit que j'avais encore dit une connerie. J'avais oublié qu'il était mort. Ca me sort de la tête ces trucs-là, surtout si c'est important." (p.83)

Au hasard des dialogues ou des monologues, elle glisse des propos très directs dans la bouche de ses personnages, sur la difficulté à vivre dans les cités surtout lorsqu'on est immigré, sur des faits de société, sur la politique, sur le pape (mon anticléricalisme primaire m'oblige à citer ici des phrases dont j'aime beaucoup le fond et la forme, à propos du pape qui twitte : "Il n'a rien d'autre à faire que twitter, celui-là ? Ah ça, il encourage les jeunes à twitter ! Au moins, pas besoin de capotes pour ça ! Et les pauvres qui ne peuvent pas twitter parce qu'ils n'ont pas d'ordinateur ! Du coup, ils sont désœuvrés ! Du coup, ils couchent sans capotes sur les recommandations du très Saint-Père ! Du coup, ils chopent ou le sida ou un polichinelle dans le tiroir, voire les deux, et ils s'enfoncent encore plus dans la misère ! Mais le pape les bénit en twittant, alors tout va bien !" (p.116) Ces interventions placent ce roman dans son époque, réaliste et résolument actuel.

Ellen Guillemain use d'une écriture réaliste, directe, crue, "brute mais sensible" (dixit la 4ème de couverture que je reprends très volontiers car ces deux adjectifs accolés résument bien l'écriture de l'auteure) qui donne le ton à son histoire. Un roman noir plus qu'un polar, il n'y a pas d'enquête, pas d'indices disséminés qui permettraient aux lecteurs de découvrir un coupable, non c'est l'ambiance, la construction et l'écriture du roman qui lui donnent cette couleur noire. Avec ce thème, E. Guillemain aurait pu faire un énième roman sur une famille qui se déchire après la mort du père. Elle a l'excellente idée et le talent pour ajouter une dose de suspense et pour créer une atmosphère tendue, oppressante qui sortent ce roman de la production banale pour le poser en douceur mais avec fermeté sur des piles de livres à lire sans hésiter. A bon entendeur...

Ma deuxième belle rencontre avec les éditions Flamant noir qui prouvent là le travail efficace et commun de l'éditeur -l'éditrice en l'occurence- et de l'auteure.

 

 polars 2015

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A
évidemment qu'il faut une suite, je me tue à lui dire !!! Nouche, je veux savoir ce que devient Nouche !!!<br /> S.
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Y
Si suite il y a il faudra que je me replonge dans le premier, j'avoue avoir un peu oublié...
L
la couverture me rappelle une pochette d'album... mais impossible de me souvenir laquelle !
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Y
<br /> <br /> Alors là, je sèche...<br /> <br /> <br /> <br />
G
Un roman qui semble dense... Les familles qui se déchirent, très peu pour moi mais si l'auteure a su tirer son épingle du jeu, je veux bien faire une exception! :-)
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Y
<br /> <br /> Oui, un roman bien fichu, qui explore chaque personnage, vraiment bien, moi qui n'aime pas non plus particulièrement les histoires de famille, j'ai aimé<br /> <br /> <br /> <br />
V
je note, la couverture m'attire et ton billet confirme la 1ère impression.
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Y
<br /> <br /> Tout est bon dedans... n'hésite pas.<br /> <br /> <br /> <br />
E
Un grand merci à vous d'avoir si bien lire entre mes lignes... Amicalement
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Y
<br /> <br /> Merci de votre passage, et de m'avoir permis un très bon moment de lecture.<br /> <br /> <br /> Amicalement,<br /> <br /> <br />  <br /> <br /> <br /> <br />