Eloge de la vulgarité
Éloge de la vulgarité, Claude Cabannes, Ed. du Rocher, 2011
Qu'il n'est pas aisé de traiter de la vulgarité. On sait bien que la vulgarité court les rues, celles peuplées des autres. Pas les nôtres ! Claude Cabannes s'attelle donc à nous dire ce qui pour lui est la vulgarité ; et il commence fort, inévitable, mais néanmoins prévisible :
""Descends, si t'es un homme !" Il n'est pas descendu. Mais l'apostrophe du président de la République à un inconnu qui l'agressait verbalement au cours d'une sortie publique ponctuait et officialisait en quelque sorte une autre descente : la dégringolade générale vers les cloaques de la vulgarité. Le "Casse-toi, pauvre con !", dans la même bouche et dans une circonstance identique, consacrait la mauvaise pente."(p.13/14) Le reproche n'est pas dans les mots, usuels et couramment utilisés par tout un chacun, mais dans la rencontre entre ceux-ci et la bouche de celui qui les prononce, le plus haut représentant de l'Etat.
Et puis, Claude Cabannes explique son projet : "Je suis un dandy. Je vomis la vulgarité. C'est bien pour cela que mon bel éditeur, un peu pervers, m'a confié le soin de me pencher sur ce cloaque." (p.21) Il raconte son parcours, de "Maria, la grand-mère maternelle. [...] Repasseuse-amidonneuse. Insomniaque sévère" (p.25) à "Denise, la mère. [...] La petite "instit" des communales de village [qui] a toujours rêvé de la voie royale qui mène au temple de la pensée, sous ses espèces les plus hautes, l'École normale supérieure." (p.23), jusqu'à lui-même, "dandy stalinien" (p.22) ancien rédacteur en chef de l'Humanité dimanche et de l'Humanité.
Ensuite il déroule ses motifs de vulgarité : dans la culture, dans la mode, le luxe, le cinéma, ... Il dit que c'est Mme de Staël, "Germaine donc qui va introduire tardivement le substantif "vulgarité" dans l'usage" (p.89), en 1800.
Ce qui le gêne dans ces mondes du luxe, de la mode, ce ne sont ni les créateurs ni les collections, ni les objets que pour une grand partie, il aime, respecte et admire mais le monde qui gravite autour, celles et ceux qui les portent sans grâce, juste comme objet ostentatoire. Se montrer, à n'importe quel prix. Se faire voir. Le comble de la vulgarité.
Dans les divers chapitres de ce livre, on passe donc de la télévision, à la mode, de la littérature (décryptage de la Verdurin de Marcel Proust) au cinéma (l'incroyable élégance de Luchino Visconti). De la politique actuelle à Louis-Philippe et Marat -et vice et versa. Des listes totalement subjectives apparaissent à la fin du livre, décalées, drôles et... partagées pour partie.
Toujours très bien écrit, c'est un livre d'un homme en colère -perpétuellement ?- qui se lit vite et bien. Il y a bien ici et là, des parisianismes que moi, simple et ignorant Provincial, je ne saisis pas : une de mes vulgarités à moi, mais néanmoins ce livre à la jolie robe orange prendra avantageusement place dans ma bibliothèque pas loin, histoire de pouvoir y revenir de temps en temps.
Grand merci à ANAÏS de chez Gilles Paris.