Barjot !, Jean-Hugues Oppel, Ed. Payot et Rivages, 2011 (1ère éd. Gallimard, 1988)
Jérome-Dieudonné Salgan est un homme ordinaire. Il habite un pavillon de banlieue. Est marié. A deux grandes filles. Un bon job. Trompe sa femme avec collègues, femmes de clients, voire prostituées. Ne supporte pas que l'on puisse manger sans lui, chez lui. Ce soir-là, sa famille l'attend pour un dîner avec les Barruh, leurs meilleurs amis et les beaux-parents de Jérome-Dieudonné. Retardé par une crevaison, il n'assiste pas au massacre des toutes les personnes présentes dans son salon. Par erreur. Lorsqu'il arrive devant son pavillon en flammes, Jérome-Dieudonné devient fou. Barjot !
Roman noir diablement efficace. Une écriture rapide, sèche, directe. La description de la fusillade est un exemple du genre : terrible, horrible. Filmée "à la lettre" la scène serait insoutenable. Écrite, chacun y met ses propres images pour la rendre supportable. Le reste du bouquin est moins "hard", mais, je le redis, efficace. La transformation de ce père de famille en barjot total et incontrôlable est impressionnante. Pas incroyable, parce que le talent de J-H Oppel est justement de nous faire croire à l'incroyable, nous y amenant par petites touches : Salgan a la baraka, la chance du débutant, la haine totale et plus aucune raison de s'émouvoir. Une idée de la rapidité du style ? Salgan arrive devant les ruines fumantes de sa maison : "Jérome-Dieudonné Salgan s'affole derrière son volant. Il voudrait écraser tous ces cons qui lui barrent le passage. Des voisins en pyjama. D'autres en tenue d'intérieur, tricot de corps et bretelles pendantes sur les fesses. Des bigoudis. Des robes de chambre. Des normaux habillés, les pantoufles aux pieds. Se couchent pas tous comme les poules, dans la Cité.
Des uniformes, aussi. Beaucoup. Qui s'écartent devant la Mercedes. Se méprennent." (p.37)
Jean-Hugues Oppel nous plonge dans les arcanes de la raison d'état, dans les magouilles des puissants pour se débarrasser de ceux qui les gênent. Les officines secrètes, obscures qui font le sale boulot, dirigées par des personnages louches, sans scrupules. Les secrets d'état bien gardés, par des hommes prêts à tout pour que rien ne s'ébruite.
Une sacrée bonne idée de Payot et Rivages de rééditer ce roman très noir qui n'a pas pris une ride, (écrit en 1988), et ceci malgré l'absence d'Internet, de téléphones portables et autres gadgets dont sont remplis les romans récents. Souvent à juste titre, mais parfois jusqu'à l'overdose.