La lionne blanche
La lionne blanche, Henning Mankell, Seuil, 2004 (traduit par Anna Gibson)
Avril 1992, une femme, agente immobilière part visiter une maison qu'elle doit bientôt mettre en vente, juste avant de profiter d'un week-end attendu en compagnie de son mari et de ses deux fillettes. Perdue dans la campagne proche d'Ystad, elle s'arrête dans une maison isolée pour demander son chemin, puis elle disparaît mystérieusement. Kurt Wallander prend cette disparition très au sérieux et se lance à fond dans la recherche de la jeune femme.
Même période, en Afrique du Sud, un comité de blancs fanatiques qui refuse absolument que la société change et que les noirs aient enfin des droits, prépare un attentat contre une personnalité importante.
Tome 3 des enquêtes de Wallander. Celui qui, dès que je l'ai lu la première fois m'a le plus frappé. Et force m'est de dire qu'à la relecture, l'effet est le même. Ce roman est écrit en 1992, soit 2 ans après la libération de Nelson Mandela et deux ans avant son élection en tant que président, le temps de l'histoire est donc quasi identique au temps de l'écriture. Encore une fois, Henning Mankell place son héros dans un contexte fort qui le dépasse, mais dans lequel il va jouer son rôle. Il est le témoin impuissant des changements de la société, de la mondialisation, de la montée de la violence, des droits des plus faibles et de la peur des nantis de voir leurs privilèges se réduire. C'est particulièrement flagrant dans ce volume, dans la société sud-africaine qui vit encore à l'heure de l'apartheid. Kurt Wallander se pose pas mal de questions sur tous ces points, n'apporte ni réponses ni opinion tranchées, il tente d'avancer dans sa vie et dans ses relations tendues avec son père et avec sa fille Linda.
S'il n'était pas au mieux dans les deux tomes précédents c'est vraiment dans celui-ci qu'il plonge dans la dépression et qu'il commence à boire très sérieusement. Mankell n'en a pas fait un surhomme capable de tout résoudre, Kurt est un laborieux, un bosseur : "Kurt Wallander, commissaire principal de la brigade criminelle d'Ystad, avait quarante-quatre ans. Il était généralement considéré comme un policier habile, entêté, faisant preuve par moments d'une certaine acuité d'esprit." (p.32), et c'est cela que j'aime bien. Outre le fait que toutes les histoires d'Henning Mankell sont ancrées dans la société. Ses polars sont des polars sociaux qui racontent un homme et un pays et plus globalement le monde. Excellent de bout en bout.