Stavros
Stavros, Sophia Mavroudis, Jigal polar, 2018...,
Stavros Nikopolidis est commissaire à Athènes, un peu mis sur la touche depuis dix ans, depuis qu'il a perdu sa femme suite à l'une de ses enquêtes finalement non aboutie. Dix ans plus tard donc, Rodolphe, le responsable de son fiasco revient et Stavros reprend du service. Un peu rouillé mais toujours impulsif et solitaire il doit néanmoins travailler avec une équipe. Dora une redoutable flique adepte des combats rapprochés et Eugène ex-hacker seront ses plus proches collaborateurs. Ainsi formée l'équipe part sur les traces de Rodolphe.
Dit comme cela, Stavros pourrait paraître comme un rustre un peu bas de plafond, expéditif et prompt à la vengeance. En fait, il est beaucoup plus subtil que cela et c'est tout le talent de Sophia Mavroudis que de ne pas trop tomber dans les caricatures. Stavros est certes un flic dur, solitaire, aux méthodes personnelles et violentes, mais il est aussi féru de littérature grecque ancienne, connaisseur en art -sa femme était archéologue. En plus, son patron, l'inspecteur Livanos, qui lui a mis pas mal de bâtons dans les roues dix ans auparavant alors frais sorti de l'école, est un fervent lecteur des philosophes grecs anciens qu'il cite abondamment : Platon, Aristote, Thucydide : "Pour Aristote, la corruption est dans la nature des choses, elle fait partie intégrante du processus d'altération naturelle de certains êtres. Platon et Thucydide y ajoutent la notion de pathologie, une tendance de l'être humain à pervertir certains de ses actes dans le but de s'adapter ou de plier la réalité à sa propre volonté." (p.100). Autant dire que le mélange est rare et étonnant, donc forcément, ça me plaît bien.
Ce titre est le premier à mettre en scène Stavros Nikopolidis que j'ai pu trouver déroutant par ses nombreuses bêtises de débutant qui collent mal à son expérience. Je l'ai trouvé parfois un poil pleurnichard et victime plus qu'acteur. Sans être un super héros, il gagnerait à s'endurcir, sans pour autant nier ses fragilités qui le rendent terriblement humain, un peu à la Kurt Wallander, qui reste fragile en même temps qu'il sait se faire violence. Je ne doute pas qu'il saura évoluer, construire un personnage demande du temps et il est rarement "fini" dès le premier tome, et fort heureusement, car l'intérêt d'un flic récurrent c'est aussi de le voir évoluer.
C'est donc dans une ambiance qui oscille entre l'envie de vengeance, la rédemption, l'action pure, la philosophie que se déroule cette intrigue. Le contexte est aussi géopolitique : la Grèce ne va pas bien depuis quelques années et Sophia Mavroudis, franco-grecque montre une autre image que les plages et îles touristiques. Corruption, trafic d’œuvres d'art, drogue, prostitution, montée des extrémismes -malheureusement comme partout en Europe. Tout cela est passionnant et fort bien fait avec pas mal de rebondissements à la fin.
Originalité, naissance d'un héros récurrent, contexte fort, je valide et prends rendez-vous pour la suite.