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Le merle bleu

Publié le par Yv

Le merle bleu, Vesna Maric, Intervalles, 2018 (traduit par Marie Poix-Tétu)...,

"Elles ont passé des heures à expliquer qu'habituellement nous avions tout : des lits, des draps, du linge de rechange brodé et même amidonné dans nos armoires ; des verres en cristal, des souvenirs, de la vaisselle en porcelaine, des passeports, des aspirateurs, des animaux domestiques, des goûts de luxe, des jours fériés, des odeurs, des bruits, et surtout, surtout, que nous nous aimions les uns les autres, que nous n'avions pas passé les cinquante dernières années à nous haïr en secret en attendant la première occasion de nous étriper au grand jour de la façon la plus sauvage qui fût. Elles voulaient expliquer que la guerre était une méprise, un stratagème inventé par des politiciens diaboliques, que ça n'avait rien à voir avec nous, les individus assis devant eux" 

Cet extrait du livre qui sert de 4ème de couverture est tellement parlant qu'il m'a semblé judicieux de le copier ici.  Ce livre est l'exil raconté par Vesna. Vesna est bosniaque, elle a fui son pays en 1992, pendant la guerre, elle avait seize ans. Elle a émigré aux Royaume-Uni. Vesna est jeune et un peu insouciante, du moins le paraît-elle. Elle plaisante, sort avec des amies malgré les snipers, les rues pas sûres du tout. Puis, la guerre se durcit et il faut partir. Ce sera l'Angleterre et le voyage est presque drôle, on ne ressent pas la tension qui devrait régner dans de telles circonstances, toutes ces femmes qui quittent leur pays pour un autre. Puis Vesna s'installe et se fait très bien à la vie anglaise, à la langue.

Vesna Maric donne une image très décalée de l'exil, pas du tout plombante, presque joyeuse, comme si la découverte d'un monde nouveau était plus forte que la perte de l'ancien, que le déracinement. Ça fait du bien de lire cela surtout lorsque c'est écrit par quelqu'un qui l'a vécu, on ne pourra pas lui reprocher de faire dans la gaudriole sur un sujet sérieux qu'elle ne connaîtrait pas. 

Je ne vais pas mentir en disant que j'ai aimé tous les chapitres du livre, des chapitres courts qui racontent la vie en ex-Yougoslavie pendant la guerre et après en Angleterre, mais même lorsqu'une ou deux fois, j'ai eu la volonté de le stopper, je n'ai jamais pu quelque chose m'y retenait, sans doute ce souhait de ne pas rater de beaux passages tel celui cité en début de recension. Alors, je l'ai posé souvent et souvent repris. Je l'ai lu comme une suite de chroniques de la vie d'une jeune femme. Et ça a marché.

Chez Intervalles, on fait rarement dans le banal, le conformisme, cette fois-ci encore, l'éditeur touche juste avec Vesna Maric. Une écriture, un point de vue qui méritent d'être découverts.

Commenter cet article
A
Un point de vue sur le conflit qui parait passionnant.
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Y
oui, décalé pour le moins
Z
C'est vrai, Intervalles a toujours ce petit quelque chose
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Y
Oui, même lorsque le texte n'est pas à la hauteur de nos espérances, il y a en lui une valeur ajoutée, un truc qui fait qu'on ne le rejette pas totalement.
M
Une leçon de vie aussi...
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Y
oui, mais assez légère malgré le contexte de guerre