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Les voleurs de sexe

Publié le par Yv

Les voleurs de sexe, Janis Otsiemi, Jogal Polar, 2015.....

Libreville, Gabon, une étrange rumeur occupe les esprits et risque de provoquer une émeute : d'un simple toucher de main sur le corps, les hommes se font voler leur sexe. Dès qu'un supposé voleur de sexe est reconnu par la foule, elle ne se contrôle plus. D'où la demande du chef de la police de prendre cette rumeur au sérieux avant qu'elle ne tourne à l'exécution des supposés voleurs. Mais ce qui intéresse plus les policiers et gendarmes, ce sont deux grosses affaires : un braquage d'un patron chinois qui finit mal et des photos compromettantes du président de la république qu'un groupe de jeunes tente de vendre à un journaliste.

Issus des quartiers pauvres, Tata, Balard et Benito, la vingtaine, flairent l'aubaine et l'argent facile lorsqu'ils trouvent les photos du président et comme ils préfèrent les petites arnaques au travail, ils foncent dans un plan qui pourrait bien les mener loin de ce qu'ils en attendaient. L'autre trio, Pepito, Kader et Poupon, plus aguerri s'apprête à monter un coup sérieux, acoquiné avec des flics franchement pourris ; ce coup pourrait être le plus beau de leur encore courte vie, trente millions de francs CFA (environ 45000 euros). Et puis, il y a cette histoire de voleurs de sexe : au contact d'un voleur de sexe, les hommes sentent comme une décharge électrique et leur sexe diminue, leurs épouses attestant cette perte de virilité. Janis Otsiemi nous plonge au cœur de la capitale avec les petites gens, pas les hommes d'affaires, ceux qui ont le pouvoir et l'argent, non ceux qui doivent se débrouiller pour vivre.

Il mène avec brio et en parallèle ces trois enquêtes en usant d'une langue absolument merveilleuse, pleine d'expressions ou de proverbes africains, d'argot, de néologismes, de détournements du sens des mots sans que cela ne nuise à la lecture, au contraire mais aussi de français parfait ; il invente sa langue, un peu comme Audiard ou Dard l'ont fait avant lui (aucune comparaison de ma part, juste pour se faire une idée), c'est dire si on se régale à lire ses histoires. Ses héros n'en sont pas et certains d'entre eux, même s'ils sont malhonnêtes, ils ne sont pas totalement antipathiques, on aimerait bien quelquefois qu'ils se fassent gauler pour leur apprendre à vivre mais aussi qu'ils s'en sortent, le système étant totalement gangréné par la corruption, l'argent facile, le piston, ...

Malgré son écriture enlevée et l'humour des situations, J. Otsiemi écrit un polar noir et désabusé, un peu comme si rien ne pouvait changer : les pourris resteront pourris tant que la société leur permettra l'impunité pour agir, protégés qu'ils sont par leur poste, leur bras long ; les magouilleurs le resteront tant qu'ils gagneront plus à magouiller qu'à travailler et tant que des flics véreux les protègeront et profiteront de leurs arnaques ; les petits resteront petits, travailleurs exploités par les patrons, notamment les Chinois qui investissent en force en Afrique et sont impitoyables.

Janis Otsiemi est gabonais, vit dans ce pays. On sent qu'il l'aime et qu'il aime ses compatriotes. Malgré cela, son regard est noir sur la société : la débrouille est un moyen de survie pour beaucoup, l'arnaque itou. Lorsque certains flics sont véreux, ils le sont jusqu'à l'os, ce sont carrément de vrais gangsters. Néanmoins, ils travaillent et ont des résultats. Les politiques veillent au grain, à ce qui rien ne se sache de leurs turpitudes, de leurs penchants, de leurs magouilles, ce qui n'est pas forcément une spécialité gabonaise ni même africaine...

Je finis par cette citation de la quatrième de couverture qui résume tout mon propos :

"Sombre et poisseux comme une nuit africain. Style percutant, propos frondeur, humour désabusé... Avec son talent de griot urbain, Janis Otsiemi fait de chacun de ses romans une pépite de littérature noire."

Commenter cet article
L
Déjà dans la PAL pour les vacances qui arrivent. Un pays cher à mon coeur et un auteur tout ce qu'il y a de bon.
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Y
Alors de bonnes vacances assurées
Z
Noir pour du noir c'est normal !
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I
En voilà un qui me tente bien ! Un titre intriguant... qui m'a presque fait passer mon chemin... mais finalement, un livre qui semble excellent. Un beau billet pour un auteur qui m'est inconnu, mais que tu me donnes envie de découvrir. Merci pour le conseil.
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Y
C'est sûr que le titre peut faire fuir... ou attirer. Toujours est-il que Janis Otsiemi est à découvrir pour ses polars au Gabon
C
Bienvenue dans le club des admirateurs de Janis Otsiemi, mon cher Yves.<br /> Oups, tu figures depuis pas mal de temps sur la liste de ses lecteurs, et tu as bien raison d'aimer ses excellents romans.<br /> Amitiés.
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Y
Salut Claude<br /> Le problème avec Janis Otsiemi, c'est qu'une fois qu'on a lu un de ses livres, on a envie de tous les lire et me voilà donc entré dans le fameux club dont tu parles<br /> Amicalement,
H
Je le veux !
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Y
ça ne m'étonne pas !
K
Là tu me donnes bien envie (plus que de lire Mabanckou)
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Y
Ou alors Mabanckou dans son polar (Tais-toi et meurs) mais Janis Otsiemi, c'est excellent