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La disparition de Jim Sullivan

Publié le par Yv

La disparition de Jim Sullivan, Tanguy Viel, Minuit, 2013

Tanguy Viel, après avoir lu beaucoup de littérature française a eu une période assez longue de lecteur de littérature américaine. Il se demande alors pourquoi les romans américains sont quasi-universels, traduits dans tous les pays et décide de s'atteler à l'écriture de son roman américain. Son héros s'appellerait Dwayne Koster, professeur de littérature américaine à l'université, 50 ans, divorcé, ne supporterait pas la séparation, habiterait Detroit.

En général, je suis emballé par les livres de Tanguy Viel. Il a l'art de m'intéresser à une histoire banale, par la subtilité de son écriture, ses longues phrases, ses personnages mis pourtant dans des situations déjà lues ou vues. Son dernier roman est encore mieux : il utilise les mêmes bases, mais en plus il décortique le roman américain, intervient sans cesse en tant qu'écrivain pour dire ce qu'il pourrait faire. De fait, on a à faire à un écrivain qui nous raconte comment il construit son roman. Il absorbe toutes les règles pour fabriquer un roman international, car il faut bien le dire, nombre de romans étasuniens sont calibrés, pré-construits, les rebondissements arrivant à tel et tel chapitres, la minute sentimentale itou... un peu comme les films du même pays, ou comme le camembert d'une grande marque (mais français, l'honneur est sauf) : surtout ne pas déstabiliser le client, lui apporter toujours la même chose, le même plaisir, le garder, le guider. Personnellement, je n'aime pas cela, je vois peu de films hollywoodiens, lis peu de -gros- livres étasuniens et mange du camembert au lait cru, moulé à la louche : j'aime qu'on me surprenne.

Tanguy Viel écrit son roman américain finalement très français (et tant mieux, le contraire m'eût sans doute moins plu) parce qu'il explique toute la méthode, tous les clichés et les stéréotypes du genre, sans critiquer : il constate. Il explique la différence entre un roman français et un roman étasunien :

"Je ne dis pas que tous les romans internationaux sont des romans américains. Je dis seulement que jamais dans un roman international, le personnage principal n'habiterait au pied de la cathédrale de Chartres. Je ne dis pas non plus que j'ai pensé placer un personnage dans la ville de Chartres mais en France, il faut bien dire, on a cet inconvénient d'avoir des cathédrales à peu près dans toutes les villes, avec des rues pavées autour qui détruisent la dimension internationale des lieux et empêchent de s'élever à une vision mondiale de l'humanité. Là-dessus, les Américains ont un avantage troublant sur nous : même quand ils placent l'action dans le Kentucky, au milieu des élevages de poulets et de des champs de maïs, ils parviennent à faire un roman international" (p.10)

Et T. Viel de raconter la vie de ses personnages, Dwayne qui épie son ex-femme qui vit désormais avec l'un de ses ex-collègues prof de l'université, celui qu'il détestait, qui ne voit plus ses enfants, qui va pour tenter de reconquérir sa femme se compromettre. Il passe aussi rapidement sur les traumatismes de cet ex-du Viet-Nam (il a bien failli y aller à un jour près), sur la désormais inévitable dans les romans guerre d'Irak et l'encore moins évitable 11 septembre 2001. On avance dans son roman, on suit Dwayne et les autres personnages, on comprend toute son histoire et on s'y intéresse et dans le même temps, l'auteur intervient et nous dit ce qu'il aurait pu écrire ici ou là pour faire un vrai roman américain, il le dit à ses lecteurs en quelques lignes, dans ses phrases toujours aussi longues et belles là où un romancier étasunien prendrait un ou deux chapitres par idée évoquée ; cela se ressent sur le poids du livre, rarement moins de 400 voire 500 pages pour un roman international et 153 pages pour Tanguy Viel que je ne remercierai jamais assez pour sa concision alors qu'il ne passe aucun thème récurrent du roman américain.  A propos de concision, je vais peut-être stopper là moi aussi en précisant que ni Tanguy Viel (si je l'ai bien compris) ni moi n'avons rien contre le roman international, contre les auteurs étasuniens en général, c'est un genre qui plaît, à juste titre, même s'il n'est pas celui que je lis le plus couramment. Personnellement, je préfère et de très très loin LE roman américain de Tanguy Viel qui une fois de plus aura su me passionner, me surprendre et me captiver avec une histoire et des personnages loin d'être originaux. Du très bon travail, un roman excellent, n'ayons pas peur des mots. Tout ce que j'aime est dedans.

D'autres avis sur Babelio, Clara, Véronique, Krol, ...

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H
J'ai beaucoup aimé !
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Y
Chouette Tanguy Viel fait partie de mes auteurs favoris
S
Je suis troublée par cette notion de "roman international", tous les bons romans ne le sont-ils pas?...<br /> Et ici, le terme semble avoir une connotation péjorative...
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Y
<br /> <br /> Non, ce n'est pas péjoratif, T. Viel fait le constat qu'un roman se passante aux Etats Unis parle à tout le monde, car chacun a une image de ce pays, véhiculée par les films, la musique, ... et<br /> que si un roman se passe dans le Périgord, les images peuvent venir aux Français mais pas forcément aux Etats-Uniens ou aux Chinois. Le moindre livre se passant au fin fond de l'Iowa ou du<br /> Montana "parle" à tous. Un simple constat de la part de l'auteur, pas de notion de valeur. Un roman jubilatoire<br /> <br /> <br /> <br />
K
Je viens justement de lire (et faire un avis sur) un roman de Tanguy Viel, ce dernier roman me fait bien sûr de l'oeil !
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Y
<br /> <br /> Dès lors, inévitable<br /> <br /> <br /> <br />
K
J'aime Tanguy Viel.<br /> J'aime les romans américains.<br /> Ma bibli va proposer ce roman.<br /> Subitement, le ciel est bleu (dans ta tête, ma pauvre...)
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Y
<br /> <br /> Il n'est bleu que dans ta tête malheureusement... Un bon livre permet d'oublier la tristitude (cf la chansin de Oldelaf à écouter sans tarder) du mauvais temps<br /> <br /> <br /> <br />
K
Ah oui, à lire absolument !
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Y
<br /> <br /> Enfonçons le clou<br /> <br /> <br /> <br />
I
Même si j'aime généralement les romans anglo-saxons, les louanges lues au sujet de ce nouveau T. Viel sont très tentantes. Un auteur que je me promets de lire un jour depuis pas mal de temps déjà.
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Y
<br /> <br /> Je te le conseille, vraiment, ça devrait te plaire, ne serait-ce que pour cette écriture très belle.<br /> <br /> <br /> <br />
G
j'ai été emballé moi aussi !!! très bel article !
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Y
<br /> <br /> Merci, très bon bouquin surtout<br /> <br /> <br /> <br />
L
J'aimerais bien... je ferais des tas de romans français ! ;-)
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Y
<br /> <br /> et des états-uniens...<br /> <br /> <br /> <br />
L
C'est ça qui est fort, faire quelque chose de totalement neuf avec des situations éculées, un roman américain au sein d'un roman typiquement français ... j'ai vraiment beaucoup aimé aussi !
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Y
<br /> <br /> Exactement tu as le même sens de la concision que l'auteur<br /> <br /> <br /> <br />
C
Ah, je l'a ai lu et j'ai aimé ! Je suis contente de ton avis !
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Y
<br /> <br /> Je me suis régalé et puis j'aime beaucoup l'écriture de Tanguy Viel<br /> <br /> <br /> <br />
A
Je n'étais à priori pas très attirée, mais vu ton billet, je vais reconsidérer la question. J'attendrai qu'il soit à la bibliothèque (prudente ..)
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Y
<br /> <br /> J'ai lu l'exemplaire de la bibliothèque, mais c'était juste parce que je n'avais pas pris le temps de l'acheter avant de le voir disponible en rayon. Vas-y sans risque, c'est drôle, original et<br /> très très bien écrit. et puis, ce n'est pas très long, environ 150 pages.<br /> <br /> <br /> <br />